Maroc >

Il y a d’écrit "roman" sur la couverture mais à lire " L’armée du salut " d’Abdellah Taïa, on s’avise bien vite qu’il s’agit d’un récit autobiographique. Au Maroc, dans la maison où il vit, le père et le grand frère ont chacun leur chambre. Abdellah, sa mère et les autres partagent la même pièce. Et l’auteur de raconter les bruits d’amour ou les coups que les adultes produisent. Et puis, peu à peu, Taïa est fasciné par le grand frère, son corps, ses fesses. Le temps d’un voyage à Tanger, Abdellah se donne à un adulte pour peut-être mieux faire une croix sur un frère inaccessible. La seconde partie du roman se passe en Suisse où l’étudiant qu’est devenu Taïa se retrouve à l’Armée du salut. Autant on sent la chaleur dans la première partie du récit, autant on a froid dans la seconde. Que c’est triste Genève dans les yeux de Taïa. Si ce " roman " n’évite pas des clichés homos (un Arabe, c’est une pute pour un Suisse…), il n’en est pas moins assez émouvant.

Abdellah Taïa, "L’armée du salut", Seuil, 14 euros.

Pastiche >
Amis de "grande littérature" à la plage qui vous êtes délectés de " L’alchimiste " et vous pourléchez encore les babines du " Da Vinci code ", ce livre vous est tout exprès destiné. Hasard bien choisi du calendrier littéraire ou manipulation occulte, le "Gay Vinci code" sort justement à l’époque où refleurissent tongues et redifs d’" Angélique ", où les neurones marchent par deux. Et ça tombe bien car il ne vous en faudra sûrement pas d’avantage (de neurones) pour suivre la mince intrigue de cette parodie "gay" poussée à l’excès du " Da Vinci code ". Un conservateur du Musée des Arts &Traditions Homosexuelles assassiné, une drag-queen tueuse, un journaliste à " Tutêt "… Tous les ingrédients semblent réunis pour passer une joyeuse semaine de vacances littéraires. Reprenant les élucubrations et interprétations outrancières qui permettent d’affirmer que tout est dans tout et réciproquement et inversement, Pascal Fioretto s’amuse de son modèle, Dan Brown, mais aussi de nous ou encore de sa condition d’écrivain mal rétribué ! S’il se révèle un expert de notre communauté, de ses problématiques et petits travers, la peinture dérisoire qu’il en fait, ajoutée à l’empilement des gags et calembours, pourra néanmoins assommer les moins bien disposés. Si l’on rit de bon cœur, on aurait souhaité ce " brownie " un peu plus léger !

Pascal Fioretto, " Gay Vinci code ", Chiflet & Cie, 15 euros.

Théorie > On a lu et apprécié Monique Wittig, ses romans, ses articles ; chevauché nous aussi comme des " Guerrières " et traversé l'enfer avec " Virgile ", non… Et puis Dominique Bourque débarque de l'université d'Ottawa — c'est sa thèse, " Écrire l'inter-dit ", qui est aujourd'hui publiée — et nous prouve par A plus B que l'on pouvait lire cette œuvre tout autrement car si mythes, textes épiques et lyriques, Homère, Sapho, Dante, Cervantes… et la Bible ont été mis à contribution par Wittig, c'est pour être ré-écrits, re-visités, subvertis par des blancs, des contre-textes, des "j/e", des "on", etc., au profit d'une politique où, malgré toute apparence, les catégories de sexe enclosantes sont abolies.
Ainsi, dans son livre, Dominique Bourque s’intéresse au fonctionnement de la subversion littéraire comme "une violence organisée exercée sur une forme littéraire antérieure afin de créer un "effet d'étrangeté", de "défamiliarisation" révélateur d'un point de vue dérangeant sur le monde". Elle traite ainsi des subversions intertextuelles et dialogiques. Elle montre comment Wittig fait éclater la linéarité des textes par des ruptures qui mettent à mal la tradition et créent un sur-texte capable d'évoquer ce qui reste habituellement caché et fait surgir ce qui n'existe que dans l'informe et l'interdit : "Je dis que ce qui n'est pas, est également". martine laroche

Dominique Bourque, " Écrire l'interdit, la subversion formelle dans l'œuvre de Monique Wittig ", l'Harmattan, 15 euros.