Même peine requise en appel contre Vanneste -

Même peine requise en appel contre Vanneste

Mardi 12 décembre, le député UMP Christian Vanneste, condamné en janvier 2006 pour injure envers les homosexuels, comparaissait devant la 6ème chambre de la Cour d’appel de Douai. Au terme de plusieurs heures de débat, le parquet a réclamé la confirmation de la condamnation du député. "Illico" y était.

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Même peine requise en appel contre Vanneste

Mis en ligne le 15/12/2006

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Christian Vanneste, député UMP du Nord, arrive le premier, sourires aux lèvres. Pas mécontent d’être une nouvelle fois au tribunal. Pas mécontent d’avoir, une fois encore, une tribune où pérorer. Heureux d’avoir à en découdre avec ceux qui l’attaquent. Avant l’audience, il vient saluer ses soutiens, une vingtaine de personnes, la bonne soixantaine, sagement installée sur deux bancs. Poignées de mains chaleureuses aux hommes, bises aux dames, sourires de confiance à tous. Et puis, l’atmosphère change, Christian Vanneste est à la barre, face à la cour. Seul, son sourire satisfait reste gravé sur son visage. Dans un long propos aux nombreuses références philosophiques, il explique alors pourquoi il a décidé de faire appel de sa condamnation en première instance pour injures à l’égard des homosexuels. C’est parce qu’il est "parlementaire, professeur de philosophie, conservateur" qu’il revendique le droit de s’exprimer librement, de critiquer les comportements qui "ne représentent aucun intérêt pour la société" dont "le comportement homosexuel".

Hargneux lors de son précédent procès, le député condamné n’a pas changé sa ligne de défense, mais assouplit son registre. Ses arguments sont les mêmes que lors du premier procès mais enrobés d’un discours philosophique mâtiné de foi catholique. C’est au nom de l’impératif catégorique de Kant qui permet d’universaliser les comportements qu’il entend procéder au tri entre les modes de vie, les sexualités et les hiérarchiser. Cela a donné dans des interviews des propos tels que "l’homosexualité est une menace pour la survie de l’humanité" ou "Je n’ai pas dit que l’homosexualité était dangereuse. J’ai dit qu’elle était inférieure à l’hétérosexualité. Si on la poussait à l’universel. Ce serait dangereux pour l’humanité". Des propos qui, selon lui, ne sont pas des injures mais des opinions. Des propos qui lui valent pourtant d’être condamné. Laborieusement, il s’efforce
d’expliquer que si l’homosexualité est inférieure, il n’a jamais dit que "les homosexuels sont inférieurs" parce qu’il "ne le pense pas". Il faut distinguer l’homme du comportement, l’individu de sa pratique. Un distinguo, dont Christian Vanneste puise la source chez Saint Augustin : "Je déteste le péché, j’écoute le pécheur". Le prêcheur a parlé.

Encore deux trois envolées sur le doute hyperbolique chez Descartes, le libre arbitre, la théorie des trois cerveaux… et le tribunal décide de ramener Christian Vanneste sur terre. "Monsieur Vanneste. Les homosexuels sont tous nés d’un père et d’une mère, dans une famille, interroge l’avocate générale. Ils ont le souci de vivre en bonne intelligence. Ne pensez-vous pas que vos propos peuvent les perturber, gêner leur intégration familiale ? Vos propos moralisateurs, de hiérarchie n’accentuent-ils pas les manifestations de rejet si douloureuses pour les jeunes homosexuels et les moins jeunes ?" "J’entends parfaitement cette remarque. Mais je me suis toujours méfié du sentimentalisme, de l’affectivité dans les choix politiques" lâche Christian Vanneste.

Parties civiles, SOS Homophobie, le Syndicat National des Entreprises Gaies, Act Up-Paris, expliquent, tour à tour, quelles ont été les conséquences des propos du député UMP sur les homosexuels et pourquoi elles ont décidé de ne pas les laisser passer. "Un choc profond a été ressenti par les homosexuels" rappelle Jacques Lizé, président de SOS Homophobie. "Nous les avons ressentis comme une injure, rappelle Jérôme Martin d’Act Up-Paris. Une injure qui dit de nous que nous sommes une menace pour la société et qui laisse entendre, de fait, qu’il est possible dans ces conditions d’aller casser du pédé." "Sans ambiguïté, ces propos sont une injure. Ils contribuent à diminuer l’estime de soi chez les homosexuels, explique Gérard Siad, président du SNEG. Nous sommes attachés à la liberté d’expression, mais nous sommes surpris que Christian Vanneste ne s’inquiète pas des conséquences de ses propos, alors même qu’enseignant et parlementaire, il connaît le poids et l’effet des mots."

Le poids des mots, Christian Vanneste ne le conteste pas. Ce qu’il conteste, c’est être homophobe. Dans ces conditions, le choix des quatre témoins de soutien qu’il a appelé à la rescousse confine au mieux à l’acte manqué, au pire au suicide. Comment faire croire qu’on n’est pas homophobe, ni marqué par une détestation des gays eux-mêmes lorsqu’on fait témoigner un pasteur, père de six enfants, spécialiste de l’homosexualité, qui s’alarme que de "plus en plus de jeunes hétéros fassent un essai avec l’homosexualité comme on le fait avec la drogue" au motif que l’homosexualité se banaliserait dans la société ? N’est-ce pas se tirer une balle dans le pied que de faire témoigner un universitaire, catholique converti, philosophe chenu, qui conteste les poursuites contre Christian Vanneste parce que l’homosexualité est "un comportement désordonné", ne donne pas de relations stables ("moins de deux ans en moyenne"), parce qu’elle n’est pas "une fatalité" et que "Les homosexuels, s’ils le veulent, peuvent avec de la volonté, changer, se soigner". "Tout cela n’est pas neutre. Quelle morale voulons–nous dans notre société ?" lance l’universitaire.

Une bonne question que l’avocate générale Catherine Champrenault a reprise à son compte, à sa façon. "Nous ne sommes pas là pour discuter de la morale chrétienne. J’aimerais vous suivre sur la leçon de philosophie parce que j’en ai un certain goût, mais la philosophie ne doit pas se substituer à la loi. La loi n’est pas la reproduction de je ne sais quelle morale. L’universalité ne peut pas être appliquée à la loi de la République. Alors je ne vous suivrai pas… Nous ne sommes pas sur un banc de la faculté, ni en classe préparatoire… Et en matière de philosophie, on peut avoir d’autres références. Je préfère ainsi Spinoza lorsqu’il dit : "Ce n’est pas la vertu qui conduit au bonheur, c’est le bonheur qui rend vertueux."
"La place des diversités est fondamentale dans notre république, enchaîne l’avocate générale. Je n’ai pas, Monsieur Vanneste, de nostalgie de cette époque où les homosexuels vivaient dans la clandestinité. Je n’ai pas la nostalgie de ces homosexuels qui se mariaient, par pression, pour leur propre malheur et celui de leurs familles… Je pense aux homosexuels qui vivent en province. Je pense aux homosexuels qui ont le droit de cité. Cette évolution ne m’inquiète pas… Je la considère comme positive. Je vais vous dire. J’ai été interpellée que, sur un tel sujet, ici même, vous ayez le sourire aux lèvres. Ce sujet est bien trop grave pour l’aborder le sourire aux lèvres."

Visage fermé, sourire envolé, Christian Vanneste encaisse. A mots précis, l’avocate générale dit que ses paroles étaient "inutiles", "inutilement blessantes", "inutilement attentatoires", qu’elles dévalorisent les homosexuels. Oui, ces propos constituent bien une insulte, une injure. "C’est illégal aujourd’hui de proférer de tels propos. Et c’est d’autant plus grave de la part d’un député, car tout ce qui est de nature à diviser les citoyens porte atteinte à l’idée de cohésion sociale et de fraternité", conclue l’avocate générale qui réclame la confirmation de la condamnation prononcée en première instance. Les visages de son comité de soutien sont fermés. "C’est un homme courageux. Il est victime d’un faux procès. Tout ce qu’il veut, c’est prévenir le peuple des risques que nous courrons" explique, incrédule, un de ses soutiens. Jugement le 25 janvier.

Jean-François Laforgerie

Mis en ligne le 13/12/06

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