Dans un communiqué publié hier, Act Up-Paris met en cause la position des producteurs et diffuseurs de vidéos bareback. "Entre logique commerciale et bonne conscience, il faut choisir", demande Act Up qui s’en prend en particulier à Menstore (branche commerciale du Groupe Illico) et à Jacky Fougeray, l’un de ses responsables. En question le choix par Menstore de s’associer (comme un certain nombre de producteurs, de réalisateurs ou d’associations de lutte contre le sida… dont Act Up) à la brochure de prévention "Les génies du porno" diffusée avec les vidéos bareback.

Act Up résume d’une simple phrase de Jacky Fougeray, reprise dans un article publié par Illico, l’engagement de Menstore dans la mise en place de cette brochure de prévention : ""Nous avons fait preuve de pragmatisme. Le marché du bareback existe. Nous avons choisi d’accompagner au mieux ce phénomène plutôt qu’une opposition franche qui n’aurait fait que déplacer le phénomène."

Pour Act Up, "ce type de position est confortable : elle permet de faire état d’une situation ("le marché du bareback existe") sans s’interroger sur ses causes ni sur la part de responsabilité qu’un groupe comme Menstore, comme tous les diffuseurs de vidéos bareback, peut avoir. À ce titre, dire qu’une opposition franche "n’aurait fait que déplacer le phénomène" est inacceptable. Certes, le marché bareback vit beaucoup de petits diffuseurs confidentiels. Mais sa reprise, récente, par les grands diffuseurs comme Menstore ou IEM assure une caution au phénomène et contribue à l’élargissement du marché. Prétendre le contraire - affirmer que c’est la seule demande des consommateurs qui génère l’offre des grands distributeurs - serait contraire à la vérité. L’offre de vidéos bareback, proposée par de grands groupes, stimule aussi la demande de façon très "pragmatique"."

Act Up-Paris qui a participé à l’élaboration de la brochure de prévention "Les Génies du porno" (" parce qu’elle est un moyen intéressant et efficace de proposer de l’information sur la prévention du VIH "… tout de même au yeux de l’association !) et qui l’a signée dénonce aujourd’hui une utilisation en forme de "caution" de ce document par Menstore notamment.

Act Up réaffirme sa position vis-à-vis des vidéos bareback : "Il est plus que temps que les deux principaux diffuseurs de vidéos porno en France, Menstore et IEM, résolvent ces contradictions et prennent la mesure des enjeux. À eux seuls, compte tenu de leurs parts de marché, ils pourraient, s’ils refusaient de les vendre, stopper net toute production de films bareback. Ils s’y refusent et leur participation à l’édition d’une brochure de prévention passera pour autant de tartufferies, entre logique de profit et bonne conscience militante".

Jacky Fougeray, pour le Groupe Illico, réagit à cette mise en cause : "Act Up est fondé à faire valoir sa position vis-à-vis de la vidéo bareback. Cette position n’est pas la nôtre à Menstore. Non pas, comme le dit Act Up, pour des raisons liées au "marché", mais parce que notre perception de ce phénomène est différente de l’association. Rappelons que la vidéo bareback est apparue bien après l’explosion des pratiques bareback dans la communauté gay elle-même… Comme pour la violence, il convient aussi de s’interroger, si on veut être honnête, sur l’impact que ces films peuvent avoir sur les spectateurs. Contribuent-ils à banaliser le phénomène ou au contraire servent-ils d’exutoire à un public qui se dispense ainsi de "passer à l’acte" lui-même ?

Act Up est dans une logique "prohibitionniste". Ne plus distribuer les films bareback solutionnerait la question en asséchant le marché. C’est une illusion tant la prohibition, chaque fois qu’elle a été appliquée (que ce soit pour la drogue, l’alcool, la prostitution, etc.) a toujours conduit à l’échec. Une part importante du "marché" bareback est d’ores et déjà sur le net. Et dans des conditions qui en disent long sur ce qui surviendrait si on lui abandonnait totalement la diffusion. En effet, les films vendus sur ce "marché noir" (dans tous les sens du terme), valorisent les pratiques bareback de manière ouvertement prosélyte. Non seulement, leurs diffuseurs n’accompagnent pas ces productions d’avertissements de prévention comme nous le faisons, mais ils exacerbent les pratiques à risques comme valorisantes.

Notre démarche est précisément à l’opposé de cela. C’est d’ailleurs un paradoxe de voir que seules les structures qui ont estimé devoir réfléchir au phénomène du bareback et qui ont travaillé à la mise en place de cette prévention sont aujourd’hui la cible privilégiée d’Act Up. Chez Menstore, toute vidéo contenant une scène bareback est présentée avec restriction et accompagnée d’avertissement et de conseils de prévention, comme cette fameuse brochure. Notre politique consiste effectivement à "accompagner" un phénomène et à l’encadrer du mieux possible pour assumer notre part de responsabilité vis-à-vis des clients consommateurs de ce type de vidéos. Il n’y a là nulle "tartufferie" mais l’exercice d’une responsabilité réfléchie sur les avantages et les inconvénients de toute position qui n’est pas manichéenne mais se veut "pragmatique".

Jacky Fougeray explique encore : "La mise en cause d’Act Up a une vertu indéniable. Elle nous assigne un devoir d’explication vis-à-vis de la communauté gay. Nous avons sans doute imaginé que notre position était assez lisible sans être expliquée, argumentée, débattue. Act Up nous rappelle que tel n’est pas le cas. Au delà de cette première réaction, nous allons effectuer dans les semaines qui viennent un travail d'explication de grande ampleur. Via le magazine et le site d’Illico dont c’est la vocation d’accueillir ce type de débat. Mais aussi dans le catalogue Menstore de septembre en nous adressant à nos clients, dans les boutiques ou le site internet de Menstore. La politique de diffusion d’un certain nombre de productions bareback que nous avons retenue il y a quelques mois est réfléchie et argumentée. Il nous faut désormais faire valoir ces arguments auprès du public. Et en débattre avec ceux, comme Act Up, qui ont des arguments contraires".

Lire le communiqué d'Act Up

Mis en ligne le 26/07/05