assurances et travail posent toujours problème - VIH

VIH

Assurances et travail posent toujours problème

Le rapport d’activité de Sida Info Droit montre une fois encore que l’accès aux assurances, en premier lieu, et le non-respect du droit du travail sont au cœur des problèmes rencontrés par les personnes vivant avec le VIH/sida. Interview de Marc Morel, coordinateur juridique à Sida Info Droit.

E-llico.com / Actus

assurances et travail posent toujours problème
VIH

Mis en ligne le 19/09/2005

Tags

C’est dans le domaine des assurances que se pose le plus grand nombre de problèmes pour les personnes vivant avec le VIH/sida. Comment expliquez-vous qu'il n'y ait aucun progrès dans l'assurabilité et l'accès au crédit pour ces personnes ? Qui bloque ?

L'accès aux assurances est, depuis l'ouverture de Sida Info Droit (il y a
plus de douze ans maintenant) le premier domaine de sollicitations. Ce qui n'est pas surprenant quand on sait que l'exclusion de l'assurance et par ricochet du crédit, rend impossible de mener à bien un projet personnel (achat d'un bien immobilier, prêt à la consommation) ou professionnel. Le constat que nous faisons est globalement critique à l'égard des assureurs et des banquiers, même si certains professionnels ont fait des efforts. En effet, comment expliquer, près de dix ans après l'arrivée des trithérapies et la baisse de plus de 90 % du taux de mortalité qui s'en est suivi que les pratiques des professionnels n'aient quasiment pas évolué (refus d'assurance, surprimes dissuasives et arbitraires) ? Indiscutablement, certains n'ont pas la volonté d'avancer... Une réunion organisée en juin dernier en présence des assureurs, des pouvoirs publics, de l'INVS, de l'INSERM, de l'ANRS et des associations a souligné à quel point les assureurs sont encore "mal à l'aise" avec le VIH. Ils considèrent globalement qu'ils n'ont pas encore assez de recul ! Un rapport rédigé par William Dab, ex directeur général de la Santé à la demande des ministres des Finances et de la Santé sortira dans les prochaines semaines. Nous avons fait des propositions concrètes. Nous attendons donc des pouvoirs publics et des parlementaires qu'ils agissent en conséquence.

Le constat est identique en matière d'emploi où les discriminations restent toujours fortes. Estimez-vous que la HALDE est l'outil adapté à la situation ?

Nous avons beaucoup œuvré avec Aides en animant un collectif d'associations pour qu'un organisme indépendant (appelé autorité administrative indépendante) soit mis en place, comme c'est le cas dans de nombreux pays (Belgique, Royaume-Uni, Canada, etc). En effet, s'il est évidemment essentiel d'adapter les législations, il est aussi patent que sans un outil concret et efficace de lutte contre les discriminations, les situations n'évoluent guère et les cas particuliers sont non résolus. Malgré une législation protectrice, on ne décompte à ce jour que trois jugements ayant donné lieu à une condamnation pour discrimination en raison de la séropositivité dans le cadre d'un travail alors que les témoignages sur Sida Info Droit sont récurrents. Nous attendons donc beaucoup de la HALDE qui doit non seulement répondre aux demandes individuelles dont elle est saisie mais aussi faire des recommandations et plus globalement "réveiller" une société qui, dans les faits, pratique encore beaucoup la discrimination. Ainsi comment expliquer
encore qu'il y ait des sphères où la séropositivité au VIH constitue un
facteur de refus d'embauche et ce sans justification objective : cas du
personnel navigant commercial et technique par exemple.
La HALDE aura le pouvoir et l'autorité qu'elle se donnera. Nous y
Veillerons !

Ces derniers mois, la pénalisation de la transmission sexuelle du VIH a donné lieu à d'importants débats. Dans votre rapport, vous citez l'exemple d'une femme qui est l'objet d'un chantage de la part d'un ex-partenaire au motif qu'elle l'aurait contaminé. Ce cas est-il rare ou traduit-il, selon vous, une tendance forte qui pourrait conduire le législateur à se saisir de cette question ?

La récente affaire de Colmar, qui a vu un homme condamné à 6 ans de prison ferme pour administration de substances nuisibles entraînant une infirmité permanente et à verser 228 000 euros à chacune des deux victimes, a fait ressurgir toute la complexité de ce type de situation. Suite à la médiatisation qui a entouré cette affaire, médiatisation souvent faite de raccourcis et d'inexactitudes, nous avons reçu de nombreux appels tant des personnes qui souhaitaient intenter une action que de celles qui la redoutaient, faisant pour certaines d'entre elles l'objet de menace voire de chantage.
Le législateur a écarté dans les années 90, et notamment lors de la réforme du code pénal, l'idée d'instituer un délit spécifique de contamination par voie sexuelle ....
A l'exception des cas de malveillance avérée, extrêmement rares, où une personne a souhaité contaminer un(e) partenaire et où la pénalisation peut avoir sa place — et les moyens juridiques existent — la quasi-totalité des situations qui nous sont soumises font état de situation de peur, de déni, d'irresponsabilité, de désir, d'excitation mais pas de volonté de nuire. Et c'est là toute la difficulté. Peut-on condamner et incarcérer quelqu'un parce qu'il n'a pas dit qu'il était séropositif (ce que l'on peut regretter !) dans le cadre de relations sexuelles consenties où les deux partenaires ont fait le choix de ne pas se protéger ? Lutter contre les discriminations et comprendre la difficulté de dire (que l'on est séropo) est sûrement une voie plus efficace et plus éthique. Mais il est vrai que la répression est d'actualité et constitue dans bien des domaines de la société une réponse illusoire !

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie

Mis en ligne le 16/09/05

Retrouvez les archives d'Illico / E-llico.com.

Plus 40.000 articles de la rédaction retraçant la vie de la communauté LGBT dans les domaines politique, sociétal, culturel et sanitaire de 2001 à 2022.

Tapez un mot-clé exprimant votre recherche dans le moteur de recherche ci-dessus.