Les statistiques officielles du ministère de l’Intérieur recensent chaque année les actes antisémites et racistes. Pour les actes homophobes, et malgré les lois votées ces dernières années, ce n’est toujours pas le cas. La seule source fiable d’information sur le sujet est donc le "Rapport sur l’homophobie" publié chaque année par SOS Homophobie depuis 1997.

Dix ans de statistiques et toujours plus de témoignages ! " Nous en avons reçu 1 212 en 2005, par téléphone, courriel ou courrier, notent Marion Le Moine et Julien Lemonnier, qui ont dirigé cette édition 2006. C’est une augmentation de 6 % par rapport à 2004. Cela montre que de plus en plus d’homosexuel(le)s ne se résignent plus à subir sans réagir". Et ce qui frappe à la lecture du rapport, c’est la permanence de certains chiffres : 11 % des témoignages font suite à des agressions physiques, un pourcentage comparable aux années précédentes, et les premiers motifs d’interpellation de l’association concernent toujours le monde du travail (21 %) et le milieu familial (10 %).

En revanche, les auteurs du rapport s’inquiètent "de la forte progression des témoignages de "mal de vivre" (8 % en 2005 contre 4 % en 2004), signe qu’on ne vit pas nécessairement mieux son homosexualité en 2006".

A la lecture des remarques faites par les élèves lors des interventions de SOS Homophobie en milieu scolaire, on comprend pourquoi : "Je pense que les homosexuels ne doivent pas faire partie du monde", "Moi je trouve que c’est malsain, mais je les respecte" ou encore : "Désolée, mais je suis contre l’homosexualité, ceci est contraire à ma religion".

La lecture du rapport est d’autant plus édifiante que ses auteurs ajoutent chaque année de nouvelles rubriques et couvrent ainsi un champ toujours plus large d’actes homophobes. De l’homophobie en banlieues à celle entre voisins, en passant par celles des institutions (justice, police, santé publique), aucun secteur n’est épargné, et en particulier Internet. "Via les blogs et les forums, c’est le lieu d’expression d’une homophobie quotidienne et particulièrement virulente, soulignent Julien Lemonnier et Marion Le Moine. Suite aux nombreux témoignages reçus sur ce sujet, SOS Homophobie a mis sur pied une cellule de veille qui intervient très fréquemment auprès des fournisseurs d’accès et/ou des modérateurs ".

Le rapport de l’association démontre ainsi à quel point l’action contre l’homophobie doit être aussi multiforme que celle-ci : il faut à la fois prévenir, réprimer, informer, analyser, réfléchir. Ce dixième "Rapport sur l’homophobie" en est l’illustration tant il n’a plus rien à voir avec la première édition, parue en 1997. Il montre à quel point le combat contre l’homophobie s’est professionnalisé en l’espace d’une décennie.

Julien Picquart

>> Lesbophobie : les chiffres

23 % des témoignages reçus en 2005 par l’association proviennent de femmes. Les auteurs du rapport soulignent à quel point "la famille reste le contexte majeur des discriminations lesbophobes" avec près d’un quart des témoignages, soit presque autant que le travail, et un peu plus que les conflits de voisinage (18 %). Mais ils rappellent aussi que la lesbophobie n’est pas spécifiquement masculine : 44 % des violences contre les lesbiennes sont le fait de femmes.

Mis en ligne le 19/05/06