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Le mariage à la trappe

Attendue en juin, la position de Nicolas Sarkozy sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homos est finalement tombée début septembre. C’est non. Un non conservateur qui se double cependant d’une proposition alternative au projet socialiste : le contrat d’union civile. Mais attention, on ne touche pas aux enfants. Explications.

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le mariage à la trappe
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Mis en ligne le 26/09/2006

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Par Jean-François Laforgerie

"Imaginons la France d’après" invite l’UMP par voie d’affiches. On ne voudrait pas trop vous miner le moral, mais si la "France d’après" vous la rêvez dans l’idéal d’une égalité complète des droits entre homos et hétéros, l’UMP, Nicolas Sarkozy en tête, ne peuvent rien pour vous. C’est de façon "claire et précise", ce qu’il fallait comprendre à la lecture de l’interview publiée dans le "Figaro magazine" (1/09). Une interview où le président du parti majoritaire et candidat à la présidentielle réaffirme, une nouvelle fois, sa farouche opposition à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. (1)

Cela a certes l’avantage de la clarté, mais c’est dans le contexte actuel — engagement de Ségolène Royal et de ministres comme Jean-Louis Borloo ou Jean-François Lamour en faveur du mariage homo, bienveillance de la société pour cette revendication, souvenir de la droite tombant à pieds joints dans le piège du PaCS… —, notoirement insuffisant et même un peu périlleux. C’est en tout cas le message qu’a cherché à faire passer Gay Lib’ depuis des mois et surtout depuis la parution de l’interview dans le "Figaro magazine", début septembre. Certes, ces derniers mois, on assiste à un net raidissement du ministre de l’Intérieur sur les questions de société, mais parfois le candidat à la présidentielle de 2007 essaie de donner le sentiment de ne pas fermer complètement la porte. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec les revendications LGBT.

Ainsi en lieu et place du mariage qui ouvre inéluctablement l’adoption, il sort un nouveau projet : le "contrat d’union civile" — au contenu, pour l’instant, imprécis — qui devrait permettre "l’égalité entre un couple hétéro et un couple homo". C’est en tout cas, la stratégie défendue par Gay Lib’, chargée de la vendre à l’opinion. "Nous ne devons pas perdre de vue qu’une loi doit être votée par la majorité dont nous faisons partie, avance Olivier Boileau–Descamps de Gay Lib’. Nous ne sommes pas indépendants de notre parti où l’on trouve des conservateurs et des progressistes. Il nous faut faire comprendre et faire accepter avec le moins de compromis possible nos idées. Plutôt que de s’enliser avec une revendication de mariage qui ne passe pas chez nous, il est préférable de proposer d’atteindre l’égalité entre les couples homos et hétéros différemment. C’est ce que nous sommes en passe d’obtenir aujourd’hui. Nicolas Sarkozy s’y est engagé."

Pourtant, le projet défendu aujourd’hui est bien loin des revendications de Gay Lib’ qui visent à une égalité dans tous les domaines y compris en matière d’adoption (2). Pour ce mouvement, ce n’est pas un "échec", ni un "renoncement" mais du "pragmatisme". "Quoiqu’on en pense à l’extérieur, nous sommes en train d’ébranler les certitudes, affirme Olivier Boileau–Descamps. Nous commençons à faire comprendre aux adhérents de l’UMP, à nos élus, la complexité de l’homoparentalité, qu’il y a une différence entre l’ouverture de l’adoption pour les gays et le fait de reconnaître comme parents deux homosexuels qui élèvent un enfant dont l’un est le parent biologique. L’explication de texte est encore nécessaire, mais cela avance."

"Ce décalage entre ce que nous demandons et ce que nous pouvons obtenir est normal, explique Stéphane Dassé, président de Gay Lib’. Il est logique que nous soyons plus avancés dans nos propositions que notre parti. Je pense que si nous avions demandé moins, nous n’en serions même pas là."
Là. C’est, pour le moment, une promesse dont rien n’assure qu’elle sera tenue. Aujourd’hui, dans sa stratégie attrape-tout, Nicolas Sarkozy tente de séduire tous les électeurs dans leurs aspirations antinomiques. Il rassure les uns en disant non au mariage. Il attire les autres en disant oui à l’union civile présentée comme un mariage — le nom et les enfants en moins. Une stratégie qui s’applique aussi à ses élus, députés compris. La preuve, de Christine Boutin (homophobe) à Valérie Pécresse (gay friendly), tout le monde est content. Reste une question, Nicolas Sarkozy trouvera-t-il une majorité pour concrétiser sa promesse ?

(1) En 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances, avait déjà affirmé son refus de l’adoption par les couples homos et donc son refus du mariage homo dans une interview au "Figaro", une position déjà développée en 2004 dans une interview au "Monde".

(2) Voir le rapport de la commission familles sur www.gaylib.org

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