Alexandre Carelle, président d’HES - Interview

Interview

Alexandre Carelle, président d’HES

Homosexualités Et Socialisme a pleinement joué son rôle lors des primaires socialistes en faisant plancher les trois candidats à l’investiture, Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn, et Ségolène Royal, sur les revendications LGBT. Quel rôle, l’association entend-elle jouer dans la campagne 2007 ? Alexandre Carelle, président d’HES, s’en explique.

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Alexandre Carelle, président d’HES
Interview

Mis en ligne le 22/01/2007

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Très débattues, cet été, les questions LGBT semblent aujourd’hui marquer le pas en ce début de campagne présidentielle. De plus, les principaux candidats ont déjà fait part de leurs options sur le mariage ou l’homoparentalité. Dans ces conditions, comment faire pour que les questions LGBT soient bel et bien un des thèmes de la campagne présidentielle de 2007 et ramener Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy sur ces sujets ?

Il est vrai que les questions du pouvoir d’achat, du logement ou de l’environnement ont tenu le haut de l’affiche depuis deux mois. Il est normal que les candidats soient interrogés sur tous les sujets qui forgeront le choix des Françaises et des Français. Sur les questions LGBT comme sur le reste, il ne me semble pas sain de considérer que le jeu se fera entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, même si tout porte à croire qu’ils se retrouveront au second tour. Nous nous souvenons tous du 21 avril 2002 où le résultat inattendu et de triste mémoire, avait empêché que le débat ait lieu sereinement et nous avait fait élire un président par défaut. Restons vigilants ! Toutefois, pour répondre à votre question : à gauche, des étapes importantes ont été franchies ces derniers mois : l’accord avec le PRG mentionne clairement le mariage et l’adoption dans le programme commun de gouvernement. Les questions LGBT n’ont pas pâti des accords entre le PS et le PRG ou le MRC [parti de Jean-Pierre Chevènement]. C’est rassurant de voir qu’il y a une continuité dans les revendications et que l’égalité des droits fait partie du patrimoine commun de la gauche, du socle sur lequel le PCF et les Verts pourront rejoindre une candidature au second tour.

Jusqu’à présent, les candidats n’ont parlé que du mariage homo et de l’homoparentalité. Est-ce un problème que les revendications LGBT soient limitées à ces uniques questions ?

Pour ces deux revendications – mariage et adoption – fortement symboliques et très attendues, il fallait que les candidats à l’élection présidentielle se positionnent. C’est fait, et je constate que le clivage est très net entre les partis de gauche et la droite. Les candidats de droite (Sarkozy, Bayrou, Villiers) ont exprimé leur hostilité par rapport à l’homoparentalité et ne sont pas d’accord entre eux sur la question du mariage. Pour les autres sujets que nous continuons de porter avec force, il faut à la fois présenter un bloc commun de revendications "LGBT" qui ne trouvent pas d’écho aujourd’hui dans le champ médiatique et instiller des revendications LGBT dans des sujets généraux. Par exemple, sur le droit d’asile et au séjour et la politique de gestion des flux migratoires de la France, nous insisterons pour que la candidate socialiste prenne en compte la question des couples binationaux pacsés, la reconnaissance en France des unions homosexuelles existantes dans d’autres pays et le droit d’asile pour les personnes persécutées en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.

Comment comptez-vous animer la campagne présidentielle puis législative autour des revendications que vous portez, notamment au sein de votre parti ?

Nos actions pour l'élection présidentielle, en lien avec celles de l'équipe de la candidate et du Parti socialiste, s’appuient sur plusieurs outils afin de mener de front une campagne numérique (blogs, sites dédiés) et de terrain (tracts, débats participatifs). Pour les législatives, nous avons écrit à l’ensemble des candidat-e-s à la députation afin de les éclairer sur la campagne à venir (rappel des positions du PS, proposition de rencontres et d’aide dans la gestion des questions LGBT au niveau local, notamment avec les associations). Nous voulons être réactifs, souples et précis dans nos argumentations en faisant du sur mesures pour chaque question posée. La campagne sera également médiatique et nous serons en alerte permanente pour réagir à temps sur les prises de positions des différents candidats.

Votre association entend-elle donner des consignes de vote lors des prochains scrutins et notamment avant le second tour de la présidentielle ?

En février 2006, j’avais indiqué à "Illico", que HES ferait campagne pour le ou la candidat-e désignée par le PS à condition qu’il ou elle endosse les propositions inscrites dans le projet socialiste. C’est le cas aujourd’hui. Ségolène Royal a non seulement repris les propositions du PS mais a également avancé sur d’autres sujets comme les questions trans, la lutte contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie (notamment à l’école) et le droit d’asile (cf. son courrier à HES du 11 novembre 2006). Nous attendons d’elle qu’elle porte avec force ses revendications dans son projet pour la France et dans sa parole publique. Aujourd’hui, nous commençons juste la campagne. Comme de nombreuses associations et personnalités, nous apportons des éléments d’analyse à sa connaissance.

Ces derniers mois, des parlementaires ont été extrêmement offensifs contre les revendications LGBT. Certains ont ainsi signé le manifeste de l’Entente parlementaire contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe ainsi que l’adoption. Que comptez-vous faire par rapport à ses élus ?

Plus de 400 parlementaires et élus (tous de droite !) ont signé l’Entente parlementaire afin de faire campagne contre l’égalité des droits pour les personnes homosexuelles. Ils représentent aujourd’hui le vrai visage du conservatisme français. Nicolas Sarkozy, en donnant son investiture à l’homophobe condamné, Christian Vanneste, et en faisant de Christine Boutin, la passionaria anti-PACS, sa proche conseillère politique, s’inspire du modèle néo-conservateur des Républicains américains et de George Bush. Il veut récupérer l’électorat du FN et, si ce n’est dans le discours, donne tous les signes possibles pour démontrer qu’il est le candidat d’une droite pure et dure, "décomplexée" comme ils disent. Philippe de Villiers fait campagne sur son opposition au mariage et à l’adoption. Quant à François Bayrou, empêtré dans son attachement aux valeurs chrétiennes les plus traditionnelles, il ne pourra pas longtemps faire le grand écart entre les votes des parlementaires UDF à droite et son discours séducteur pour la gauche. Dans la campagne, nous nous ferons fort de dénoncer les doubles discours et le fossé qui existe, malheureusement, entre les prises de positions publiques et les actes des trois candidats de droite. Concernant l’Entente parlementaire, afin d’éclairer le vote des Françaises et des Français, nous ferons connaître, en mars, les noms des parlementaires signataires et leur vote en faisant un bilan de la droite au gouvernement et aux Assemblées depuis cinq ans. Cinq années d’inaction et d’aveuglement pendant lesquelles la France a été dépassée par ses voisins européens et par l’Afrique du Sud sur le terrain de l’égalité des droits… Avec Ségolène Royal, nous ferons en sorte que nos compatriotes soient fiers de la France juste, généreuse, solidaire et patrie des droits humains !

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie

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