«Pour moi, c’est elle» - Christophe Girard

Christophe Girard

«Pour moi, c’est elle»

Adjoint au maire de Paris chargé de la culture, Christophe Girard est aussi un membre très actif de la campagne de Ségolène Royal. Pour lui, pas de doute : la candidate socialiste est bien la seule candidate capable d’accorder l’égalité des droits aux homosexuels. Dans cette dernière ligne droite avant le premier tour, nous avons choisi de lui demander d’expliquer ce choix.

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«Pour moi, c’est elle»
Christophe Girard

Mis en ligne le 03/04/2007

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Par Didier Roth-Bettoni



Même si tous les candidats abordent les thèmes du mariage gay et de l’homoparentalité dans leurs programmes, on a quand même l’impression que ces questions ne sont pas très présentes dans le débat. Comment l’expliquez-vous ?

C’est bien de comparer les campagnes qui se suivent. Comparons cette campagne avec celle de 2002. Incontestablement aujourd’hui, le sujet de l’homosexualité — que ce soit la question des droits, que ce soit la question de l’homoparentalité, que ce soit la question de l’adoption — sont des sujets totalement présents. En 2002, ce n’était pas le cas, même s’il y avait des amorces. Mais il faut dire qu’entre 2002 et 2007, il y a eu le mariage de Bègles. Donc notre stratégie avec Noël Mamère avait été la bonne : elle a obligé les partis politiques à réfléchir, à bouger, à répondre, et aujourd’hui ces sujets sont devenus incontournables. Avec en plus l’élection et l’avènement de Zapatero en Espagne qui a bousculé considérablement la donne. Mais imaginons qu’il n’y ait eu ni Zapatero ni le mariage de Bègles, on en serait à mon avis encore à des propositions très faibles, très tièdes, très langue de bois, repoussant à plus tard le sujet, considérant que ce n’est pas une prorité, que la sécurité des gens, le chômage, que l’environnement sont prioritaires sur les sujets de société : comme si des thèmes excluaient les autres… Donc moi je trouve au contraire que l’homosexualité est traitée, est présente, et qu’il n’y a plus de tabou sur ce sujet. Et d’ailleurs on voit bien l’embarras de certains candidats. En ce qui concerne ma candidate, on est complètement au clair, totalement à l’aise, le Parti Socialiste a pris position et elle a pris une position très nette. Alors je veux bien que certains disent : est-ce profond, est-ce vrai, etc. : le résultat est qu’elle est là-dessus sans aucune ambiguïté.

Est-ce que le fait que certains journaux gay comme " Têtu " puissent écrire " On a gagné de toute façon " puisque tous les candidats ont pris position pour des avancées par rapport à la situation actuelle, ne brouille pas un peu le débat et ne fait pas finalement disparaître l’homosexualité de ce débat ?

On n’a pas gagné d’abord. Moi je crois que la vigilance va être nécessaire sur l’égalité des droits. Car il faut faut-il d’abord élire Ségolène Royal présidente de la République et il faut ensuite envoyer une majorité forte et stable à l’Assemblée Nationale — souvenons-nous des députés de l’époque Jospin en 98 qui n’ont pas voté le PaCS lors du premier examen…

A ce propos, vous avez le sentiment que les responsables et les élus PS ont évolué par rapport à cette période ? Qu’ils voteraient demain sans état d’âme un projet de loi sur le mariage gay et l’homoparentalité ?

Oui, sans aucun doute. La majorité sera derrière car même ceux qui étaient mal à l’aise le sont moins. Et puis il y aura aussi un changement de génération parmi les députés. L’élection de Ségolène Royal et le fait que François Hollande ait fait adopter la parité totale pour les élections législatives fait qu’une nouvelle génération de femmes et d’hommes vont être candidats, et que cette génération n’a aucun problème avec l’homosexualité. Et les femmes seront à mon avis les meilleurs défenseurs du projet de loi. Je suis plutôt tranquille. Et puis, pardon de le dire, mais vous avez aussi un Bertrand Delanoë qui sera extrêmement vigilant sur ce sujet-là également. Son poids sera grand, d’abord parce qu’il aura dans la foulée une élection municipale où il sera, je l’espère, candidat, et je pense que le contexte fera que sa réélection en 2008 sera hautement symbolique sur le plan des valeurs et sur le plan politique.

Vous parliez de poids symbolique : est-ce que vous pensez que Ségolène Royal si elle est élue pourrait faire d’une loi sur l’égalité des droits pour les homosexuels, un texte symbolique comme cela a pu être le cas en Espagne pour Zapatero ?

Je le pense. Elle a toujours dit qu’elle commencerait par une loi sur la violence faite aux femmes. Mais je suis sûr que cela viendra vite. Vous savez, cela rappellera un peu François Mitterrand avec Robert Badinter qui dénépalisent l’homosexualité en 1982, quelques mois après l’élection. Je pense qu’elle aura à cœur de donner des valeurs d’humanisme, de liberté, d’égalité tout de suite. Elle est très attachée à la devise de la République — Liberté, égalité, fraternité — et je pense qu’elle la fera sienne tout de suite.

On sait toutefois les réticences qu’elle a pu manifester sur ces thèmes dans un passé pas très lointain, même si elle s’en explique de façon très intéressante dans " Maintenant ", son livre. Mais vous qui l’avez rejointe il y a plus d’un an, comment avez-vous perçu cette évolution ?

Je vais vous surprendre : je suis sans doute un cas à part, mais moi je n’ai jamais eu le sentiment que c’était pour elle un problème, et je crois que c’était plutôt les questions qui lui étaient posées qui compliquaient les réponses. Je crois qu’elle l’a dit : elle était étonnée que deux hommes ou deux femmes aient envie de se marier, elle, femme hétérosexuelle et mère de famille ayant fait le choix de ne pas le faire. Je dirais que c’est un peu la position de Clémentine Autain, qui était avec moi avec Noël Mamère à Bègles : c’est incroyable, me disait-elle, je suis en train de défendre le mariage que par ailleurs j’ai toujours combattu. Sauf que là on défendait l’égalité des droits ! Et l’égalité des droits, c’est pas forcément pour sa pomme. Moi, je réclame le droit de ne pas me marier : mais c’est très agréable, et très important, de pouvoir choisir entre se marier ou pas ! Donc Ségolène Royal je ne l’ai jamais sentie ni perplexe, ni mal à l’aise, ni ignorante. Elle n’a simplement pas toujours été en position de prendre une position tranchée. Mais le jour où elle a eu à le faire, elle l’a fait sans ambiguïté et très tôt. Après je crois que c’est pour elle un non-sujet comme c’était pour Mitterrand : oui il y a des homosexuels, des bisexuels, une majorité d’hétérosexuels, mais où est le problème ? Après, il lui faut convaincre qu’il faut établir l’égalité, il lui faut devancer l’opinion, lui tracer le chemin, pour que la société, le pays qu’elle va diriger se sente rassemblé. D’ailleurs la loi de 2002 sur la délégation de l’autorité parentale à tierce personne qu’elle a fait adopter quand elle était ministre de la Famille, elle y a forcément pensé, on lui a forcément dit que cela allait peut-être favoriser la compagne d’une mère ou le compagnon d’un père. Et de fait, cette loi a justifié un jugement à Nantes…

Est-ce que vous avez quand même participé à sa façon aujourd’hui d’aborder ces questions ? Et quel est votre rôle auprès d’elle ?

D’abord, je ne suis pas un spécialiste de l’homosexualité, je ne veux pas être cantonné à cela même si je suis un militant et si je serai vigilant. J’interviens surtout pour la culture et les médias, en produisant avec d’autres un certain nombre de documents. Mais vous savez, Ségolène Royal, ce n’est jamais une personne qui la fait changer d’avis. Elle n’est jamais aux mains d’un lobby, elle ne subit pas les pressions, elle est très indépendante à tous les niveaux. En revanche, peut-être que, parmi d’autres, mon livre " Père comme les autres ", a contribué à forger ses idées et son discours.

Aujourd’hui, à peu de choses près, tous les partis de gauche sont d’accords pour accorder les mêmes droits aux homosexuels qu’aux hétérosexuels. Vous qui n’avez pas toujours été au PS puisque vous étiez chez les Verts lors du mariage de Bègles, est-ce que vous diriez à quelqu’un qui se détermine pour voter d’abord sur ces questions-là qu’il faut, dans ce domaine aussi, privilégier le vote utile ?

Il faut bien comprendre en politique que, si on se dit, pour je ne sais quelle raison, et à tort à mon avis, que Dominique Voynet défend mieux les droits des gays, ou Marie-George Buffet, ou José Bové, on prend le risque que ce que l’on voulait ne débouche sur rien puisque la gauche ne sera pas au second tour. Donc, comme Ségolène Royal est très claire sur ces questions, il faut bien sûr faire le choix de ce vote-là !

Nicolas Sarkozy et François Bayrou proposent l’union civile pour les couples de même sexe, un projet qui est très proche du mariage par beaucoup de points. Qu’est-ce qui fait pour vous la différence par rapport au projet de Ségolène Royal ?

Mais que ce n’est pas le mariage justement ! Que ce n’est pas l’égalité justement ! Sarkozy, je ne sais pas ce qu’il pense lui-même de l’homosexualité. D’après ce que des gens de son entourage m’en disent, je ne crois pas qu’il ait de problème personnel les homosexuels même s’il en a une vision assez partielle. Ce qui compte, c’est son entourage. Et ceux qui l’entourent, ce sont tous ceux qui étaient contre le PaCS il y a moins de dix ans. Je n’ai pas oublié ce qu’ils disaient : stérilisez-les, etc. Les gens qui disaient des choses comme cela ne changent pas, il ne faut pas être naïf. Je ne suis donc pas sûr du tout qu’il arriverait même à faire passer son projet d’union civile. Et si celui-ci devait être voté, il ne serait adopté que grâce aux voix de la gauche, comme cela a été le cas pour la pénalisation des propos homophobes !

Vous qui les connaissez bien l’une et l’autre, trouvez-vous des ressemblances entre Ségolène Royal et Bertrand Delanoë ?

Il y a trois mots que j’associe parfaitement aux deux : modernité, liberté, indépendance. Je ferai tout pour qu’elle gagne. Il le faut.

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