Le sida se combat par la politique - Christian Saout (Aides)

Christian Saout (Aides)

Le sida se combat par la politique

Président de Aides, Christian Saout dresse le bilan de la stratégie de campagne de l'association qui a soumis une plate-forme de revendications pointant six chantiers majeurs sur la question du VIH/sida aux principaux candidats.

E-llico.com / Actus

Le sida se combat par la politique
Christian Saout (Aides)

Mis en ligne le 16/04/2007

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A l’occasion de la campagne présidentielle 2007, Aides a travaillé à une plate-forme de revendications (1) pointant six chantiers majeurs sur la question du VIH/sida, un document qui a servi à interpeller les principaux candidats. Président de Aides, Christian Saout dresse le bilan de cette stratégie qui vise à ancrer durablement cette question dans la sphère politique.

Aides a réalisé depuis plusieurs semaines des rencontres avec des candidats à la présidentielle sur la question du VIH/sida. Quel bilan tirez-vous de ces rencontres ?

Un bilan contrasté, pour le moins. Certains candidats ont répondu rapidement, et avec enthousiasme, déployant dans leur approche une réelle proximité avec les préoccupations de Aides. D’autres ont répondu aux questions, sans se prêter au jeu de la rencontre qui permet pourtant de mieux ressentir un positionnement et d’en donner un écho fidèle auprès de tous ceux qui luttent contre le sida.

Parmi les propositions ou engagements qui vous ont été faits par les candidats, qu’est ce qui vous a semblé le plus pertinent, le plus adapté aux six chantiers sur lesquels Aides a plus spécifiquement travaillé ?

Les réponses recueillies à propos de l’engagement international montrent que les candidats se situent dans une certaine filiation française volontariste face à la pandémie. Certains ont précisé qu’ils faisaient du respect de l’engagement sur les 0, 7 % de PIB affecté à l’aide au développement un objectif à atteindre le plus rapidement possible. Sur la politique intérieure, les réponses sont plus évasives, sauf pour deux candidats qui suivent la proposition de Aides sur l’ouverture de la CMU aux étrangers même en situation irrégulière. Au Parti Socialiste, la discussion est en revanche bloquée sur cette question : la solution préconisée est celle d’un retour à l’AME dans le cadre antérieur aux dernières modifications intervenues. Pour prendre un autre exemple, de nombreux candidats estiment qu’ils faut faire "bouger les lignes" en prison, avec des propos généreux sur la dignité humaine mais avec des engagements plus relatifs sur l’accès à l’injection "propre" : ainsi Nicolas Sarkozy dit-il que seule la généralisation de la substitution est envisageable.

Dans votre présentation des "six chantiers pour une société plus tolérante !", vous évoquez le contexte actuel de pénalisation croissante de la transmission sexuelle du VIH. Cette question a t-elle été abordée par les candidats et quelles sont leurs positions ?

Il est significatif que ce thème n’ait pas été abordé par les candidats. Comme les lecteurs d’ "Illico" s’en souviennent une première tentative de faire de la transmission sexuelle du VIH/sida un délit spécifique a déjà échoué. Lorsque des procès sont venus dans l’actualité, le Sénat a réalisé une étude de législation comparée qui montre que l’appareil pénal français est largement suffisant. Il est heureux qu’il n’y ait donc pas eu de surenchère sur ce sujet.

De campagne en campagne, on a le sentiment que si les associations de lutte contre le sida ,et plus particulièrement Aides, n’abordaient pas la question du VIH/sida, les candidats ne s’en saisiraient pas. Comment expliquez-vous cela ?

La donne a changé. Avec l’arrivée des trithérapies et avec un certain "cantonnement" de l’épidémie en France, même si l’on sait qu’elle reste sur un niveau encore beaucoup trop élevé. Dans ces conditions, le sida fait moins l’actualité. Ce qui est regrettable car plus que jamais, le sida se combat par la politique. Et si les politiques n’en parlent pas, la conscience de l’opinion ne se forme pas. Malgré ce constat, c’est un vrai succès que d’avoir vécu l’enthousiasme des candidats pour figurer sur l’affiche "Et si j’étais séropositif(ve) est-ce que vous voteriez pour moi ?". Cela permet d’avancer un peu plus sur la "dicibilité" du statut de séropositif et la reconnaissance des séropositifs comme des citoyens à part entière.

Vous avez, avec d’autres associations de lutte conte le sida, été reçu par Ségolène Royal le 15 mars. Que pensez-vous de la façon dont la candidate socialiste aborde la question du VIH/sida et plus largement comment jugez-vous ses engagements ?

En donnant la parole à chacune des dix associations présentes, nous avons finalement été privés d’un échange approfondi sur la vie des personnes séropositives et leurs attentes, et sur nos espérances associatives en matière de politique de lutte contre le sida. Cependant, la candidate socialiste s’est montrée très ferme sur le plan international. En revanche, il faut déplorer les difficultés à penser autrement que dans l’AME la solidarité avec les personnes séropositives étrangères en situation irrégulière. Nous attendons toujours des socialistes que le réalisme se conjugue à l’ambition de dignité pour les personnes. Seule la CMU répond à cette double attente : parce qu’elle a des effets favorables en santé publique et qu’elle compense nos si grandes difficultés à construire la gratuité des traitements anti-rétroviraux au Sud.

De tous les candidats, seul Nicolas Sarkozy n’a pas donné suite à votre demande de rendez-vous. Que traduit ce refus ? Vous avez d’ailleurs réalisé une affiche pour dénoncer cette situation. Cela a-t-il provoqué des réactions ?

Cette affiche a été l’occasion d’un appel téléphonique des Renseignements généraux inquiets de savoir ce que nous allions en faire ! Plus sérieusement, cela a déclenché la décision de Nicolas Sarkozy de répondre à nos questions. Cela n’a pas été suffisant pour provoquer la rencontre. Ne désespérons pas !

De façon générale, trouvez-vous que les candidats et leurs entourages ont une vision juste de ce qu’est aujourd’hui la vie des personnes séropositives dans notre pays ?

L’une des candidates nous a accordé un rendez-vous remarquable, marqué par une compréhension des besoins des personnes et une reconnaissance du rôle des associations dans leur fonction d’alerte vis-à-vis des politiques. C’était une exception. Pour les autres (mais nous n’avons pas encore rencontré François Bayrou, avec qui j’avais eu un entretien très attentif en 2002), nous sommes loin du compte. Je reste toujours en état de sidération devant leurs réserves, comme si les personnes séropositives constituaient une sorte de "part du feu", quelques centaines de personnes seulement, et que l’on ne bâtit pas une politique de santé publique là-dessus. Sauf que cette fameuse "part du feu", vécue parfois comme aux marges de notre société, est révélatrice de la façon dont cette même société traite l’ensemble des personnes malades. C’est à l’aune de la situation faîte aux plus vulnérables parmi ceux qui sont confrontés au VIH/sida que l’on comprend l’absolue surdité de notre société sur la maladie en général et ceux dont le chemin de vie est marqué par la moins grande autonomie en raison de leur état de santé. Aujourd’hui pour les séropos, malheureusement, et ce n’est pas du cinéma, c’est "Silence ! On tourne la page !".

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie

(1) Ce document est consultable sur le site de Aides : www.aides.org

Mis en ligne le 11/04/07


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