Plus de deux siècles après la Révolution, nombre de citoyens français ne bénéficient toujours pas pleinement de cette "Egalité" érigée en devise de la République. Le progrès — et l'immense espoir — en jeu lors du prochain scrutin présidentiel, consiste pour les homosexuels et tous ceux qui sont discriminés en raison de leur identité sexuelle à accéder, enfin, à une égalité jamais atteinte en France.

Le principe républicain de l'égalité de tous devant la loi prévaut à gauche avec l'ouverture du mariage et de l'adoption à tous les citoyens alors que la droite préfère un traitement distinct, séparé, voire communautariste de cette question en préconisant un statut spécifique pour les gays avec des droits amoindris ; une sous-égalité en somme. Voilà une sacrée différence — de principe et de résultat — qui dépasse la simple question LGBT. La considérer comme minime ou négligeable, c'est placer l'identité sexuelle au second plan et accepter que les homosexuels continuent à être des citoyens de seconde zone. Le choix qui se présente est sans doute le plus tranché et le plus radical s'agissant des homos qui ait jamais été proposé à la société française.

L'opinion est prête, après un débat qui a commencé par l'acte courageux posé par les Verts avec le mariage de Bègles. L'Europe a aussi ouvert la voie et montré l'exemple avec la légalisation du mariage homosexuel et de l'adoption dans un certain nombre de pays. La France, pionnière en son temps avec le PaCS, est désormais à la traîne alors que le mariage homosexuel va clairement dans le sens de l'histoire. Va-t-elle rejoindre les démocraties les plus égalitaires comme le Canada, la Belgique et l'Espagne ou se défiler à l'exemple de l'Italie ?

Car le risque est grand, si un des deux candidats de droite l'emporte, de ne rien avoir du tout au final. En effet, si le projet de Ségolène Royal est clair et ficelé dans le moindre détail jusqu'à ses modalités d'applications en cas de victoire, les projets d'union civile sont encore flous et on peut sérieusement douter de leur mise en oeuvre si Nicolas Sarkozy ou François Bayrou accèdent à l'Elysée, tant subsiste une forte opposition à toute évolution, même timide, sur la question du couple et de la famille homosexuels au sein de la droite. Le risque est bien réel dans ce cas, d'une situation "à l'italienne" où la majorité parlementaire élue se diviserait sur le contenu du projet d'union, jusqu'à le vider de toute sa substance.

Au-delà du choix entre une égalité réelle et un ersatz d'équité se pose aussi la question du choix entre la cohésion d'une candidate engagée avec tout son camp dans une réforme historique et d'autres qui ont encore à faire la démonstration qu'ils sont suivis par leurs troupes.

Jacky Fougeray, directeur de la rédaction d’"Illico"