Comme Thelma, Pascale Ourbih est belle, heureuse et transgenre. De surcroît, l’actrice est engagée. En janvier 1996, Rupert Everett, comédien bien connu de la communauté gay, s’inquiète auprès du commissariat du XVIème de l’enquête sur le meurtre de Lychee, amie transsexuelle commune aux deux acteurs : "Une transsexuelle qui se prostitue au Bois est forcément suicidaire" lui répond-on. Malgré le cadavre couvert d’ecchymoses, aucune investigation n’avait été engagée. "Il y avait donc deux poids, deux mesures, ce fut un choc terrible" qui marque l’entrée de Pascale Ourbih sur la scène militante.

"Au PASTT (1), j’ai découvert le sort fait aux transgenres : exclus de l’école, de la famille, de l’emploi, donc marginalisés par la société et condamnés durablement à la prostitution. J’ai commencé à militer dans cette association. Mais si distribuer des préservatifs au Bois est utile, cela ne change rien au fond. J’ai donc naturellement rejoint Act Up. Quand personne ne veut bouger, surtout à l’intérieur de la communauté LGBT bien pensante, il faut savoir se faire entendre".

En cinq ans, l’activisme a porté ses fruits : "Nous sommes nombreux, trans et non trans, à revendiquer le droit de chacun-e à changer de genre, sans opération ni psychiatrisation, nous militons pour l’abrogation de l’identité sexuelle sur la carte de sécurité sociale et les papiers d’identité, nous taillons en pièces les émissions télé qui nous traitent comme de la chair à audimat".

Comédienne professionnelle, formée au cours Florent, Pascale Ourbih n’avait, jusque-là, accepté aucun rôle transgenre. Dans "Thelma", où va même jusqu’à exposer dans une scène son corps nu, Pascale a donné son accord parce que ce moment "inscrit une réalité et non un fantasme" et que "ce n’est pas aux trans de se justifier mais à ceux qui ont des questions de s’interroger sur leur trouble".

Tourné en 2002, "Thelma" a marqué une étape dans la représentation de la transidentité. "Longtemps, les rôles de black étaient joués par des blancs enduits de cirage. Il a fallu attendre 2002 pour qu’un rôle de trans soit joué par une trans. N’en déplaise aux cinécrates, une page de l’histoire du cinéma est irrémédiablement tournée".

Aujourd’hui, Pascale Ourbih est plus que jamais passionnée par les arts du cinéma, mais cette fois de l’autre côté de la caméra. Tout à l’écriture du synopsis de son futur long métrage, elle réalise parallèlement des films d’archives trans et militants. Elle maintient, avec d’autres, la pression auprès des politiques afin que la reconnaissance de l’identité de genre soit intégrée aux programmes des présidentielles, notamment par le Parti Socialiste. Encore un combat à mener pour Pascale…

Fabienne Leleux

* PASTT : Prévention Action Santé et Travail pour les Transgenres.