les mariés étaient en rose - Marche 2006

Marche 2006

Les mariés étaient en rose

800 000 manifestants pour une marche très politique autour du mariage gay et une visibilité socialiste inédite et assumée : pas de doute, 2007 était dans toutes les têtes ce 24 juin.

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les mariés étaient en rose
Marche 2006

Mis en ligne le 28/06/2006

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Par Jean-François Laforgerie et David Bédart / Photos Fred Pieau



Sa longue robe crème tombe au sol, sa culotte suit. Monica brandit le rainbow flag puis elle marche, seins nus, son sexe d’homme entre les cuisses. Les badauds se précipitent, les photographes se ruent, des rires fusent. Certains lèvent les yeux au ciel. "Elle est belle la Marianne cette année !" lance un journaliste goguenard. Pourtant, derrière l’apparence de la provocation gratuite, comment ne pas voir la douleur de Monica, trans à qui on a refusé le mariage avec sa compagne Camille parce qu’elle est une femme avec une carte d’identité d’homme. Pas femme pour les uns, pas homme pour les autres, personne pour beaucoup. C’est ce qu’elle dit. C’est ce qu’elle dénonce pour peu qu’on lui demande, au lieu de rire à ses dépens.

Derrière elle, les politiques qui s’assemblent dans le carré de tête de la Marche n’ont rien vu ou rien voulu voir. Ils ne poseront pas avec Monica pour la photo. La question trans n’est pas la priorité du jour. Aujourd’hui, c’est la fête au mariage pour les homos et aux avancées pour l’homoparentalité que le PS s’engagent à réaliser. Si tout va bien… pour lui en 2007. Jack Lang est là. "Comme toujours depuis 1982" aime-t-il à souligner. Il est satisfait des propositions du PS qu’il faudra "mettre en place assez rapidement parce qu’elles sont emblématiques d’un vrai changement." D’autres camarades socialistes le rejoignent peu à peu comme Bertrand Delanoë, Dominique Strauss-Kahn et puis d’autres encore dans une cohue indescriptible. Finalement arrive François Hollande, premier secrétaire du PS, qui n’avait pas marché depuis 1997.



Lui aussi est satisfait de l’engagement du PS et des propositions de loi socialistes sur le mariage et l’adoption déposées deux jours avant la marche. "Nous avons pensé qu’il était aujourd’hui possible d’admettre le mariage pour les couples homosexuels au même titre que les couples hétérosexuels. Nous avons respecté les convictions de chacun. L’engagement que je prends au nom du Parti Socialiste avec ma présence ici, c’est de faire en sorte, maintenant que les Français et les Françaises connaissent nos propositions, que lorsqu’ils voteront [en 2007] ils prennent conscience que nous irons jusqu’au bout. Cet engagement est pris et sera tenu."
Pour tenter de limiter l’OPA socialiste sur la marche 2006, les Verts sont venus en nombre eux aussi pour rappeler que l’avancée du PS doit beaucoup à leur courage politique. "Je me sens moins seul, cette année derrière la banderole de tête, s’amuse Yann Wehrling, secrétaire national des Verts. Je me félicite de la prise de position du PS qui, enfin, reprend à son compte un certain nombre de revendications des associations LGBT. Je note quand même que si Noël Mamère n’avait pas procédé au mariage de Bègles, les choses auraient moins bougé dans la société française."

La bonne humeur est présente à gauche. A droite, c’était moins ça. Entre grise mine et tétanie, on craint même une récupération des homos par la gauche… Amusant ! Le décalage d’engagement entre les deux fronts politiques est d’autant plus grand que cette année encore avec près de 800 000 marcheurs, la Marche est un très grand succès. Un grand succès populaire qui ne se dément pas mais s’exprime dans un cortège un peu sage tout de même. Beaucoup de jeunes pas forcément gays et lesbiennes sont venus sans doute pour la fête, sans doute pour la tolérance, mais assurément sans crainte d’être catalogués comme homos. Un bon signe sans doute, mais aussi la confirmation qu’une page se tourne inexorablement. La sexualité (où sont les cuirs ?), la contestation (où sont les cris ?), la provocation (où sont les culs ?) sont moins de mise dans la marche d’aujourd’hui. Une jeune fille surgit avec sa pancarte. "Je suis lesbienne et je m’en bats les couilles"… Un signe d’espoir ?

Jean-François Laforgerie

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