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Homo politicus

La visibilité homosexuelle dans le monde politique s’est singulièrement renforcée ces dernières années dans nombre de pays occidentaux. Volontarisme, annonces contraintes… toutes les variantes du coming out existent. Une chose est sûre, au final, l’exemplarité paie.

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Homo politicus

Mis en ligne le 12/10/2006

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Par Jean-François Laforgerie

Des candidats LGBT par dizaines aux élections en Suède ou aux Pays-Bas, des maires de capitales européennes (Paris, Berlin) ouvertement gay, des ministres homos en Grande-Bretagne ou en Norvège, des chefs de partis gay… C’est l’évidence même, la visibilité homosexuelle s’est singulièrement renforcée ces dernières années dans nombre de pays occidentaux. L’événement est d’importance dans un monde (la scène politique) où un a priori veut que tout le monde soit "naturellement" hétérosexuel. Désormais des personnalités politiques franchissent le pas et affirment publiquement leur orientation sexuelle différente pour témoigner d’une part de leur identité, pas pour parler de leur intimité. C’était d’ailleurs la stratégie mise en œuvre par Bertrand Delanoë lors de son coming out sur M6 en 1998 : dire ce qu’on est et se taire sur ce qu’on vit. Car c’est bien le grief qu’on fait toujours aux politiques qui disent qu’ils sont gays. Pourquoi parlez-vous de votre vie privée ? Pourquoi exposez-vous ainsi votre intimité ?

On mesure l’hypocrisie d’un tel reproche surtout lorsqu’il émane de personnalités hétéros qui exposent inlassablement leur vie privée (l’exemple le plus incroyable est celui de Sarkozy reprochant son coming out à Delanoë) mais surtout on comprend que cette critique n’est, au fond, qu’une injonction faite aux gays et aux lesbiennes à la discrétion, à l’invisibilité. C’est aussi l’affirmation d’un vrai clivage entre ceux qui pensent que l’homosexualité est politique et ceux qui la confinent à la chambre à coucher.
Fort heureusement toutes les personnalités concernées n’obtempèrent pas à cette injonction. L’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon expliquait ainsi (1) : "J’ai fait le choix de la sincérité (…) tout simplement parce que je n’aurais pas supporté de vivre en tentant de cacher une part forte de ma personnalité. Cette sincérité, je me la devais, je la devais aux autres. Occupant des fonctions en vue, je crois que c’était aussi pour moi un devoir d’assumer cette sincérité, de façon à aider, modestement, ceux qui ont une difficulté personnelle ou sociale à affirmer leur homosexualité (…) Ici, comme ailleurs, l’argument d’autorité fonctionne : si un ministre se reconnaît homosexuel et si cette situation est admise et ne pose pas de problème, chacun peut le faire."
Car si l’affirmation publique de son homosexualité a bien une vertu, c’est celle de l’exemplarité. C’est d’ailleurs une des clefs du coming out de la plupart des personnalités politiques. Elles entendent être des modèles car elles ont compris le bénéfice que les homosexuels, dans leur ensemble, pouvaient tirer de leur exemple. Ces personnalités politiques ont aussi pris note du contexte actuel où mensonges et dissimulations passent de plus en plus mal dans l’opinion publique. C’est ce qui explique notamment les campagnes Outre Manche et aux Etats-Unis contre les homos dans le placard. Cet impératif de sincérité, d’honnêteté touche désormais presque tous les camps politiques y compris celui des populistes comme avec Pim Fortuyn.

Evidemment, rendre publique son homosexualité est un rite de passage plus où moins difficile. Etre le premier maire ouvertement gay d’Italie comme Rosario Crocetta, maire de Gela en Sicile, est plus périlleux que de faire partie de la dizaine de députés homos que compte le parlement suédois. En France, la situation est particulière. La visibilité est souvent prise au mieux pour une entorse au sacro-saint modèle républicain. C’est sans doute pour cela que l’idée lancée par Christophe Girard, l’adjoint à la Culture (PS) de Bertrand Delanoë, de réserver des circonscriptions législatives à des personnalités politiques LGBT a été raillée y compris dans son propre parti.

(1) "Têtu", mai 2005.

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