le souci de nous ! - Santé gay

Santé gay

Le souci de nous !

La prévention du VIH en France fait plus que marquer le pas, elle ne fonctionne pas. A l’approche du 1er décembre, l’association Warning a choisi de confronter des connaissances, des expériences venant d’autres pays, d’autres façons de penser la prévention lors d’une conférence à Paris les 28 et 29 novembre.

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Mis en ligne le 21/11/2005

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Par Jean-François Laforgerie et Warning

Les chiffres sont clairs. La prévention du VIH en France fait plus que marquer le pas, elle ne fonctionne pas. Le constat est connu mais, de façon curieuse, se traduit peu dans les stratégies des associations comme des pouvoirs publics. A l’approche de la journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre, l’association Warning, qui défend le principe d’une prévention plus proche des réalités vécues par les gays et l’idée d’un concept global de santé gay, a choisi de confronter des connaissances, des expériences venant d’autres pays, d’autres façons de penser la prévention lors d’une conférence à Paris les 28 et 29 novembre.

Olivier Jablonski, président de Warning, explique la démarche qui l’a conduit à initier cette conférence intitulée "VIH et santé gaie".

Lorsqu'on parle de santé à propos des gays, le sida s'impose d'emblée comme la problématique majeure et unique. Y a-t-il un risque ?

La prévention actuelle suscite une défiance au moment même où d’autres préoccupations tels le suicide des jeunes homos ou l’éducation contre l’homophobie sont négligés depuis plusieurs années par l’Etat. S’il y a risque, c’est actuellement d’isoler le sida des autres problèmes des gays alors que, dans les pratiques réelles, il est une priorité parmi d'autres. Prenons un exemple, la mésestime de soi et les problèmes psychologiques qu’elle engendre. Si on ne traite pas cette question, comment peut-on sérieusement espérer qu’un message de prévention soit pleinement efficace ? A l’étranger, l’élargissement de la réponse du VIH aux autres questions de santé a amené un nouvel élan associatif et une implication plus importante des gays dans la lutte contre le virus.

Aujourd'hui, qui se préoccupe de la santé des gays en France ?

Cela se fait cahin-caha avec insuffisance de moyens et de résultats, ou alors de manière éclatée et parcellaire. Il y a l’Association des Médecins Gais qui fait un travail continu sur la santé sexuelle et physique depuis près de 25 ans. Il y a des associations qui luttent contre les conséquences de l’homophobie, il y a des psy gay... Ce sont principalement Warning, jeune association gay et de lutte contre le VIH, et Aides, la plus ancienne association de lutte contre le sida, qui se préoccupent d’une approche de santé globale, c’est-à-dire qui intègre les aspects physiques, psychiques, spirituels mais aussi sociaux et économiques. Warning y réfléchit depuis un an. Nous pensons aussi à la création d'un mouvement de santé gay. Aides lance un projet de santé gay après l'avoir présenté aux UEEH en juillet dernier. La grande question est de savoir si les LGBT vont se saisir de ces aspects de bien-être au niveau politique pour les faire avancer efficacement. Après le mariage et l’adoption, la santé gay sera-t-elle l'une des priorités associatives du nouveau millénaire ?

Selon vous, le VIH a conduit les gays à inventer "un nouveau souci de soi". De quoi s'agit-il ?

Le VIH a engendré chez de nombreux gays une prise de conscience aiguë du caractère essentiel du rapport à son propre corps. Il a généré une attention particulière chez les gays à leur santé. Cette attention est tout particulièrement présente chez les personnes séropositives qui sont ou ne sont pas sous traitement. Régime alimentaire, investissement accru dans les pratiques sportives, de modelage du corps, suivi précis des différents indicateurs de santé, examen attentif régulier voir permanent de son propre corps, sont autant d’indicateurs qu’une culture du soin s’est développée. Le développement de cette culture est une tendance générale des pays riches mais il prend, chez les gays, une intensité et un caractère particulièrement forts et spécifiques. L’explosion du nombre d’associations LGBT qui se consacrent au sport, à la danse, au massage, au développement psychique, au soin de soi, le succès du salon Rainbow Attitude vont dans ce sens. Dans cette réalité multiforme, les analyses de Michel Foucault sur le "souci de soi" et le régime des plaisirs, sur "l’acharnement à devenir homosexuel" invitent à réfléchir sur les nouvelles pratiques culturelles de soi et la santé chez les gays.

Le terme "santé gaie" est-il devenu aujourd'hui le nouveau moyen de parler de prévention, un terme qui hérisse désormais beaucoup de gays, sans crainte de susciter le rejet ou la lassitude ?

Pour redynamiser la prévention, il ne suffit pas de la rhabiller, sinon nous retombons dans le même problème. Le but est, d'une part, la diminution des contaminations, intégrée dans une approche positive et déculpabilisante de nos sexualités, qui écoute et respecte l'ensemble des sensibilités ; et d'autre part, traiter les différentes problématiques homosexuelles de santé en impliquant l'ensemble des associations. La santé gay a l’avantage de rapprocher les personnes de leurs besoins alors que le discours de la prévention paraît aujourd’hui bien isolé, abstrait et éloigné du vécu des gays.
La Conférence internationale "VIH et santé gaie" qui s’inscrit dans le cadre de Sida grande cause nationale 2005, se déroule les 28 et 29 novembre à l’Hôtel de Ville de Paris. Informations :

http://sante-gaie2005.thewarning.info
Les actes de cette conférence seront publiés d’ici quelques mois.

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