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Comment les gays y vivent

L’homosexualité en banlieue, sujet délicat s’il en est et encore mal exploré. C’est à lui que s’est attaqué Mario Morelli dans un excellent documentaire diffusé ces jours-ci sur Pink TV ("Etre gay en banlieue"). Ses témoins, comme ceux que nous avons rencontrés pour ce dossier, racontent l’homophobie quotidienne à laquelle ils sont confrontés mais aussi leur détermination à continuer à vivre en banlieue.

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Mis en ligne le 26/01/2006

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Par Hugues Drappier et Jean-François Laforgerie

"Je suis le prisonnier le plus libre de Grigny", lance dans un sourire désabusé, Emir, un des témoins de l’excellent documentaire "Etre gay en banlieue". Une façon pour lui d’exprimer le paradoxe qu’il y a à vouloir s’assumer comme homosexuel dans un contexte, la banlieue, hostile à cette visibilité. Bien entendu, l’homophobie n’est pas l’apanage des cités mais les difficultés spécifiques à certains quartiers — et la nature même des rapports sociaux qui y ont cours — conduisent à des manifestations très dures et parfois violentes.

"La visibilité comporte des risques, rappelle Mikaël Vanhonacker (1). Nous avons ouvert une permanence d’accueil d’Angel 91 (principale association LGBT de banlieue, avec près de 140 adhérents les bonnes années) à Courcouronnes. Deux semaines durant, certains de nos adhérents ont été pris à partie par des jeunes, insultés. Nous avons déposé une main courante au commissariat, eu le soutien de la mairie et de la police municipale. Depuis, tout va bien."

"On peut être persécuté comme un noir. On a aussi mal, mais les gens ne comprennent pas ça", affirme Julia dans "Etre gay en banlieue". La jeune femme, qui vit à Seine Saint-Denis, a même choisi la colocation avec un garçon pour donner le change et ne pas être "ciblée" comme lesbienne. Emir, lui, vit tous les jours l’homophobie. Remarques, petites vexations, il en a pris son parti. "Je passe à travers les balles", indique-t-il. Il s’est cependant ménagé des havres de paix, dont le Marais, pour "se reposer" un peu et vivre comme il l’entend. "Akim, mon copain, n’a jamais fait partie d’une bande. Ce qui est déjà louche en soi dans le quartier d’où il vient. Il a suffi que je vienne le chercher plusieurs fois chez lui pour qu’il soit étiqueté gay et qu’on commence à l’emmerder, se rappelle Mikaël. Une fois, c’est allé trop loin. Il a réagi avec force et depuis ça va". Des exemples partagés par beaucoup de gays et de lesbiennes en banlieue.

"Il ne faut pas sous-estimer le poids de la famille et surtout celui de la religion, explique Mario Morelli, réalisateur du documentaire "Etre gay en banlieue". Cette influence se sent dans le formatage des réactions de jeunes qui vivent dans des coins très différents mais dénoncent l’homosexualité avec les mêmes termes, les mêmes images." "C’est vrai que la famille joue, indique Franck Barbenoire, président par intérim d’Angel 91. Certains jeunes qui viennent nous voir n’ont aucun soutien dans leur famille et disent que s’ils s’affirmaient comme homos, ils seraient chassés de chez eux et exclus de leur famille". C’est surtout le cas chez les familles très religieuses.

Pourtant en dépit des difficultés, nombre de gays et de lesbiennes n’ont pas renoncé à vivre en banlieue et pas seulement pour des raisons économiques. Beaucoup y sont d’ailleurs bien intégrés ou suffisamment pour ne pas être contraints au déménagement. "Lors de nos activités, on discute peu des difficultés liées à l’homophobie, indique Franck Barbenoire. Lorsque nous sommes saisis de cas, il s’agit le plus souvent de cas extrêmes. En fait, notre objectif est d’abord de favoriser une convivialité, un idéal de partage, de permettre des échanges et des rencontres sans passer systématiquement par Paris et sa scène commerciale. Il est aussi d’amener des gens à se connaître. C’est surtout surprenant de découvrir qu’il y a des gays ou des lesbiennes dans sa rue qu’on n’avait jamais vus, ni même repérés".

Ces échanges, cette solidarité renforcée (le plus souvent mixte et trans-générationnelle) conduisent aussi nombre de gays et de lesbiennes à ne pas vouloir céder face aux pressions, à faire front en quelque sorte. "Ce que m’a appris ce film, analyse Mario Morelli, son réalisateur, c’est que les gays et lesbiennes ne sont pas en banlieue pour militer mais sont en banlieue et militent pour pouvoir y rester dans de bonnes conditions".

(1) Il est un des témoins du documentaire et aussi président d’une association LGBT à Versailles : Homologay.

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