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Quand la loi permet aux victimes de se reconstruire

Ces dernières années, le dispositif légal pénalisant l’homophobie s’est singulièrement étoffé. Qu’ont changé ces récentes lois dans la pratique policière et judiciaire ? Avocats et responsables associatifs dressent un premier bilan. Mais surtout qu’ont-elles changé pour les victimes ? Certaines, parfois pour la première fois, reviennent sur leurs expériences et parlent de leurs attentes.

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Mis en ligne le 21/08/2006

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Par Jean-François Laforgerie

Des agressions à Nîmes (un premier suspect a d’ailleurs été identifié mi août) et à Ivry en juillet, un jeune gay tabassé et laissé pour mort à Vitry en août, on pourrait croire que les récentes lois pénalisant les actes homophobes n’ont eu aucun effet dissuasif et, pire, rien changé à la question de l’homophobie dans notre pays. Il n’en est rien. Ces lois ont constitué un vrai tournant à bien des égards.

"Les lois contre l’homophobie constituent une victoire de philosophie politique sur la question du vivre ensemble. La société reconnaît l’existence d’un problème longtemps nié, note ainsi Louis Zollet d’Ensemble contre l’homophobie à Marseille. Si une loi ne change pas immédiatement les comportements, elle constitue un levier pour les associations qui luttent au quotidien contre les dérapages homophobes."

"C’est certain qu’avec les lois tout a changé, constate Hussein Bourgi du Collectif contre l’homophobie de Montpellier. Il y a eu une légitimation de ce que nous disions depuis longtemps. Nous pouvons désormais nous prévaloir d’une base légale pour mobiliser, agir, expliquer aux médias et venir en aide aux victimes. L’application de la loi incite bien à porter plainte, mais tout n’est pas idéal encore. Il y a plus de difficultés à faire reconnaître la nature homophobe de certains délits à la police qu’à la justice. Trop souvent, on cherche à minorer la part homophobe de certains faits. Sur le plan de la justice, on entend moins de remarques inappropriées [sur la présence de gays sur les lieux de drague] mais on en entend encore."

Pour autant, professionnels du droit et associations de lutte contre l’homophobie notent un changement d’esprit. "Dans mon affaire, le tribunal a stigmatisé très clairement les violences homophobes, que l’on aurait pu qualifier de légères puisque les certificats médicaux faisaient état d’incapacité totale de travail inférieure à 8 jours, note maître Paladino, l’avocate du couple gay agressé à Orléans, mais la réalité concernant un acte d’homophobie a aggravé les circonstances mêmes des évènements."

"La chancellerie a distribué un guide aidant les magistrats à connaître les nouvelles dispositions, rappelle Côme Jacquemain du Syndicat de la magistrature. Le classement de l’homophobie comme circonstance aggravante est un message public fort mais il est trop tôt pour en connaître les effets, d’autant qu’il n’existe pas, pour le moment, de statistiques officielles à ce sujet." "Effectivement, il n’existe aucun chiffre, note maître Jean-Bernard Geoffroy, avocat et président du Ravad (1). Ce qui est important aujourd’hui , c’est que l’homophobie soit placée au même rang que d’autres discriminations, qu’elle soit traitée avec le même soin… D’où l’importance lors de l’enquête préliminaire que l’homophobie soit bien prise en compte."

La plupart des acteurs de la lutte contre l’homophobie constatent que certaines affaires et les exemples de condamnation incitent les victimes d’agressions à porter plainte. "Les gays témoignent davantage depuis l’affaire Nouchet [2004], indique Jacques Lizé de SOS Homophobie. Avec la forte médiatisation de certaines affaires et de certaines condamnations, nous avons plus d’appels, nous sommes saisis de plus en plus de cas. La reconnaissance par la loi a permis aux gays de mieux assumer leur homosexualité et de surmonter leurs craintes à porter plainte lorsque c’est nécessaire. Reste que beaucoup comptent sur notre présence à leurs côtés, en nous constituant partie civile notamment, pour les aider à surmonter le cap de l’agression. Je suis assez frappé par le nombre de gens agressés qui relèvent la tête et qui veulent aller jusqu’au bout pour obtenir justice."

C’est le cas de Jean-Claude, agressé sur un lieu de drague en avril et dont l’agresseur a été condamné en juin dernier. "J’ai ressenti un sentiment de justice, d’une justice rapide et juste. J’ai souhaité porté plainte parce que je ne veux pas que les agresseurs aient un sentiment d’impunité. Concernant mon agresseur, je pense qu’il aura désormais en tête que les gays ne sont pas forcément des proies faciles y compris sur un lieu de drague".

Agressés en juillet à leur domicile à Ivry, Nicolas et Laurent — dont l’affaire vient en jugement le 5 septembre —, attendent beaucoup du procès. "J’attends des sanctions à la hauteur de ce que nous avons subi, explique Nicolas, une condamnation claire qui soit une réparation et un exemple." "J’attends évidemment une condamnation mais surtout que ce procès soit médiatisé pour qu’il provoque une prise de conscience de ce qu’est l’homophobie et de sa gravité" indique Laurent. "Ce que nous ressentons aujourd'hui dans les appels que nous recevons et les cas que nous accompagnons, c’est que les gays, les lesbiennes et les transsexuels ne baissent plus la tête face aux homophobes explique Louis Zollet. Ils ne se sentent plus seuls face à leur désarroi et n'ont plus peur de dénoncer leurs agresseurs. La peur a changé de camp."

(1) Réseau d’assistance aux victimes d’agressions et de discriminations homophobes. Infos sur www.ravad.org

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