«Je ne serai plus le Bruno d'avant l’agression» - Bruno Wiel

Bruno Wiel

«Je ne serai plus le Bruno d'avant l’agression»

Il faut du courage à Bruno Wiel. Du courage pour lutter contre les conséquences de la terrible agression qu’il a subie, l’été dernier, et qui a failli le tuer. Du courage aussi pour témoigner de ce qu’est aujourd’hui sa vie, de ce que sont ses envies… En convalescence loin de Paris, Bruno Wiel témoigne pour "Illico".

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«Je ne serai plus le Bruno d'avant l’agression»
Bruno Wiel

Mis en ligne le 26/03/2007

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Illustration : Bruno Wiel par Yul studio

Comment se déroule votre convalescence et quelles sont les conséquences sur votre santé de la terrible agression dont vous avez été victime l’été dernier ?

Je suis actuellement en convalescence chez ma mère où j'ai déjà longtemps vécu avant mon arrivée à Paris en 2002. Je me suis donc rapproché de mes vrais amis ainsi que de l'un de mes petits frères, le second étant toujours dans le 14ème. Suite au traumatisme crânien, une des parties de mon cerveau ne fonctionne plus, l'autre a pris le relais mais le temps de circulation des informations est très long et je dois continuer à suivre une rééducation par une orthophoniste, qui est aussi neuropsychologue. De plus, je suis très fatigable et n'ai plus aucune résistance physique : les nuits blanches et la tournée des bars du Marais ne me sont plus possibles ! Cette agression a totalement modifié ma vie et je ne serai plus le Bruno d'avant l’agression.

Quelles ont été les conséquences de votre agression pour vos proches, votre famille ?

J'ai toujours été proche de ma famille (mère, tante, frères).Tout le monde connaissait mon homosexualité. Toute ma famille et mes amis ont été et restent extrêmement choqués par ce qui m’est arrivé. Leur soutien a été essentiel, vital pour moi. Sans mes proches, je n’aurai pas trouvé la force de survivre et céderait aujourd’hui au découragement devant les efforts qu’il faut continuer d’accomplir pendant encore .….

Vous savez que votre agression a énormément marqué la communauté gay. Cette dernière s’est notamment mobilisée pour aider à identifier vos agresseurs, a adressé des messages de sympathie, s’est sentie concernée et solidaire. Qu’en avez-vous pensé ?

Il est certain que ma réponse première est que ce qui m'est arrivé ne doit pas se reproduire. Nous sommes dans le pays des droits de l'homme. Les préférences sexuelles ne sont pas une couleur de peau mais j'associe l'homophobie à du racisme. J’espère vraiment que ce qui m'est arrivé n'arrivera plus. L'homosexualité est victime de trop de fausses idées en France. Nous payons nos impôts comme tout le monde et avons sur nos salaires des cotisations pour les enfants alors que le droit d'adoption nous est refusée.

Aujourd’hui, vos agresseurs ont été interpellés ou se sont rendus à la police. Comment avez-vous appris ces nouvelles et quel a été votre réaction ?

Ma tante de Paris qui est boulangère et qui est aussi et surtout ma marraine, a toujours eu des contacts avec les policiers qui étaient en charge de l'enquête. Ils ont beaucoup fréquenté le Banana mais aussi le Cargo [aujourd’hui fermé] qui étaient les deux lieux où je passais le plus de temps. Je remercie énormément Carlos, patron du Cargo, et Blanche, une des responsables du Banana, pour leur énorme soutien et l'affection qu'ils m'ont apportés : ils étaient et restes des amis.

D’ici quelques mois, un procès aura lieu. Qu’en attendez-vous sur le plan personnel ?

Comme je le précisais plus haut, les mentalités françaises doivent évoluer. J'espère sincèrement que cela servira d'exemple : on ne peut vouloir prendre la vie de quelqu'un simplement du fait de ses attirances sexuelles. Lorsque deux hommes font l'amour : à qui font-ils du mal ? Seulement aux gens qui ne veulent ou ne peuvent comprendre. Je n'ai jamais eu de soucis avec ma famille, même ma grand-mère, aujourd’hui décédée, était au courant et a accepté. Eric la personne avec qui j'ai vécu cinq ans, qui habite maintenant à Marseille, est venu plusieurs fois me rendre visite à l'hôpital. Je veux vraiment que ce procès apporte quelque chose à la cause homo : nous ne sommes pas que ce qui est montré de nous dans les médias. Ma plus grande fierté, après ce que j'ai traversé, serait qu’il y ait une plus grande tolérance vis à vis des gays. Je compte œuvrer en ce sens.

Pour vous, est-ce important de savoir pourquoi et comment vos agresseurs sont devenus homophobes et si c’est la haine des homosexuels qui les a d’abord conduits à vous agresser si violemment ?

Je ne peux répondre à cette question car je ne sais pas encore qu'elles étaient leurs motivations. Pour ma protection, la bonne marche de l’instruction la défense de mes intérêts, je ne souhaite pas communiquer pour l’instant sur le fond du dossier.

Aviez-vous déjà été confronté à l’homophobie dans le passé ?

Je n'ai jamais été confronté à l'homophobie. Pourtant je représente le cliché facile : je suis blond, très mince : c'est tatoué PD sur moi !
Pourtant lors de ma dernière expérience professionnelle, je suis gestionnaire des paies et non pas comptable comme la presse l'a écrit, je n'ai pas révélé mon homosexualité et ai laissé planer le doute. Certains s'en sont doutés et en ont parlé à mes collègues. Je n'ai jamais eu de soucis concernant mon homosexualité que ce soit au sein de ma famille ou de mon entourage professionnel.
Je ne m'en suis pourtant jamais caché et suis fier d'être PD.

Vous acceptez aujourd’hui, courageusement, de témoigner de votre agression et des suites qu’elle a pour vous et vos proches. Qu’est-ce que cette dramatique expérience vous incite à dire aujourd’hui aux gays ?

Je souhaite que mon agression fasse avancer les mentalités françaises et que nous allions une plus grande tolérance. Nous sommes imposés et payons nos cotisations salariales comme tout le monde, comme les hétéros. Nous pourrions tout de même être autant respectés et tolérés.

Vous êtes jeune. Vous avez vécu une expérience particulièrement traumatisante. Comment voyez-vous l’avenir ?

Comme mes proches ne cessent de me le dire. J'ai énormément mûri et vieilli. Pas physiquement, on me donne toujours 22 ans ! Je suis désormais beaucoup plus réfléchi, beaucoup moins impulsif. Je souhaite vraiment que ce qui m'est arrivé n'arrive plus et que notre cher pays ouvre enfin les yeux sur ses citoyens gay. Je me suis certes fait agresser et aurais dû mourir mais mon orientation sexuelle ne changera pas : je resterais homo toute ma vie. J'en ai toujours été fier et l'ai toujours clamé haut et fort. Je ne souhaite aucunement changer ma vie. Je souhaite juste que le procès arrive très vite pour enfin pouvoir tourner la page et repartir dans une vrai vie.

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie

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