Hard corps -

Hard corps

La scène gay cuir et SM ne cesse d’évoluer : looks, pratiques, villes de référence, tout bouge. Retour sur une communauté au dynamisme jamais démenti, qui n’en finit pas de se réinventer et dont les lieux de plaisir se nomment désormais Barcelone, Zurich, Berlin et… Paris.

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Hard corps

Mis en ligne le 18/07/2005

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Par Eric Lapôtre


Les années 60 voient la naissance d’un milieu gay qui commence à se cristalliser, d’abord aux USA puis en Europe. Les prémices de ce qu’on appellera plus tard le milieu hard prennent également leurs racines à cette époque pour exploser au grand jour au milieu des 70’s. Les icônes-références qui règnent alors frisent, vingt ans après, la caricature : le loub cuir, biker à la Marlon Brando période "Sur les quais", le cow-boy rude et fier (on lui doit le fameux chaps toujours d’actualité), le travailleur manuel, le militaire ou le flic motard.

L’homme, le vrai, le dominant. Village People (1977), photographie de l’imagerie virile, synthétise assez bien l’esprit du moment. Car un look hard se définit toujours en référence à des figures hautement masculines, souvent oppressives. Et ce milieu bénéficie d’une originalité profonde : c’est un espace où l’on joue avec ces signes.

En Europe, on reprend tel quel tout ce qui vient d’Amérique... sans forcément se poser de questions sur les bases de ces fantasmes. Mais rapidement, deux nouveaux groupes qui ne doivent rien à nos cousins d’outre-Atlantique, émergent médiatiquement : les skinheads et les punks. Ces looks, fortement critiqués dans les années 80 chez les cuirs purs et durs, mettront plus de quinze ans à être acceptés au sein d’une communauté qui n’est pas exempte d’un certain conservatisme. Skins, punks et de nos jours racailles ne sont finalement que des réactualisations du mauvais garçon de base, le rebelle, le petit dur à cuire qui, avec le cow-boy, a été le premier à symboliser l’échappatoire à un monde formaté et contraignant.

Les pratiques évoluent également avec le temps. Si les jeux sont les mêmes (fist, uro, bondage, fouet), l’approche est parfois radicalement différente. On passe de plans initiatiques avec une évolution construite, planifiée, à base d’apprentissage, à une notion de "trips" où le plaisir est plus instantané, plus immédiat qu’autrefois. Forcément, on a moins de mal à les réaliser en 2005 qu’en 1965 !

Le fist est à ce sujet un bon exemple. Bon nombre de mecs ayant commencé leur sexualité hard dans les années 70 se souviennent que c’était une pratique plutôt secrète, presque sacralisée, dont on franchissait la porte après de nombreuses étapes... et souvent sur le tard ! La génération suivante s’est appropriée le fist beaucoup plus rapidement, comme allant quasi de soi dans l’entrée en sexualité hard. Le sida est passé par là et, soudainement, fist et godes deviennent des pratiques en pleine expansion, alternatives à la pénétration traditionnelle (et désormais dangereuse) sans capote.

Aujourd’hui, la mondialisation touche aussi le milieu hard, les voyages sont plus faciles, Internet relie les hommes, augmentant les fréquences de rencontres, même virtuelles, mixant les looks et donnant une cohésion d’ensemble : peu à peu les scènes européennes anciennement isolées fusionnent. Fini les migrations vers des "Mecque" (Londres, Amsterdam, New York) où seuls quelques privilégiés pouvaient se rendre. Aujourd’hui, chaque capitale a sa scène et si les transhumances existent toujours, elles ne se produisent plus que pour des événements spécifiques. Presque toutes les structures sont en place. Les nouveaux venus n’ont plus qu’à les utiliser et non à les forger. Il reste sans doute des choses à inventer... Seul le temps nous dira si on y est arrivé !
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PÉLÉRINAGES

Un des points marquants du milieu hard, c’est sa propension à se réunir épisodiquement dans différents lieux du globe. Et qu’on ne s’y trompe pas, il existe une véritable jet-set du cul qui ne manque pas d’assister à chaque événement. Le plus emblématique reste sans aucun doute la Folsom Street Fair de San Francisco. Les cuirs de tous les Etats-Unis et du monde entier se rejoignent pour se balader à moitié nus dans la rue chaque dernier week-end de septembre... Le temps est clément ! Beaucoup de soirées avant le fameux jour, privées ou publiques, des milliers de mecs lookés, un vrai paradis.

www.folsomstreetfair.com

Autre grand raout international au vrai sens du terme : l’élection du Mr Cuir Monde (International Mister Leather) à Chicago. On prend tous les vainqueurs des concours des différents pays et hop, on les enferme, avec 4 000 happy few, dans un immense hôtel. En gros, 4 jours de touze non-stop. De plus Chicago est sans doute la ville la plus "cuir" au jour le jour aux USA.

www.imrl.com/

En Europe, depuis des années, le gros rassemblement, c’est le meeting de Hambourg (ville sans aucun intérêt sexuel le reste du temps). Le 2e week-end du mois d’août, tous se retrouvent sur un gigantesque cargo-bananier pour une nuit de folie entre dance et baise, avant de finir à l’incontournable Tom’s Bar.

www.msc-hamburg.com/

Amsterdam a eu un sursaut il y a quelques années et sa Leatherpride fin octobre, purement commerciale, est sans doute tout ce qui lui reste aujourd’hui... mais ça fonctionne ! Là aussi, dance et baise au programme, avec toute l’infrastructure de la ville pour accueillir l’excédent de clientèle.

http://guide.gayamsterdam.com/alp/

Enfin on revient une dernière fois sur Berlin qui propose un gros meeting cuir de plus en plus fréquenté chaque week-end de Pâques (www.blf.de/) et tente, avec un relatif succès, de faire une Folsom "à l’européenne" le premier week-end de septembre.

www.blf.de
www.folsomeurope.com/
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C'EST LÀ QUE ÇA SE PASSE

> En hausse

Souvent des villes émergent et se taillent une réputation à cause d'un événement (cf. Pèlerinages) ou d'un seul lieu. C'est le cas aujourd’hui de Barcelone et de son Eagle qui a supplanté son grand frère de Madrid. Ambiance de folie qui rappelle les meilleurs jours du Keller, accessibilité facilitée pour nous autres Français, ville fort sympathique sous tous ses autres aspects : trois bonnes raisons pour devenir une des destinations privilégiées du moment. Et les espagnols, caliente, se lâchent de plus en plus niveau cul.

www.eaglespain.com/bcn/

Dans la même optique, Zurich fait une entrée remarquée dans les conversations mais là, trois bars assurent la permanence : le Bunker (www.bunker.ch), le Rage (www.rage.ch) et le petit nouveau Wildsau (www.wildsau.ch) (la Truie Sauvage, ça ne s’invente pas !) Un bon mix entre rigueur alémanique pour les looks ainsi que le sérieux des trips et laid-back latin pour le fun.

www.bunker.ch
www.rage.ch
www.wildsau.ch

> Valeurs sûres

On le sentait venir, on l’a vu, et ça se confirme : Berlin s’affirme comme l’actuelle capitale du hard européen. Forte de deux meetings internationaux, de soirées emblématiques (les SNAX reviennent ! Les Kit Kat continuent) et d’une infrastructure de bars et sex-clubs bien installée, la ville possède un vivier de mecs absolument hallucinant, du cuir au skin en passant par les latex et autres skets-fans. Les compagnies aériennes low-cost facilitent la venue des touristes de toute l’Europe. Vous pouvez y aller n’importe quand, il se passera toujours quelque chose dans les bars... un peu comme Amsterdam il y a vingt ans.

N’oublions pas Londres pour ses soirées fétichistes inimitables : les amateurs de latex apprécient particulièrement. Attention, les plans cul finissent souvent dépraves, la population locale n’étant pas toujours très claire ! Enfin, on ne s’en rend pas toujours compte puisqu’on est en plein dedans, mais Paris reste un pôle d’attraction pour de nombreux étrangers, notamment grâce à notre large panel de bars, d’ambiances et de mecs.

> En baisse

On ne vous fera même pas l’injure de citer New York, un des hauts lieux hard des 70’s, maintenant morte pour le sexe depuis dix ans. Par contre, Amsterdam qui tenait le haut du pavé et résistait encore bien ces dernières années devient ennuyeuse à mourir à force d’immobilisme limite rétrograde. A vivre sur ses acquis, on végète et on lasse... les étrangers succombent aux sirènes d’autres villes plus dynamiques.

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