Nikolaï Alekseev, organisateur de la Gay Pride de Moscou -

Nikolaï Alekseev, organisateur de la Gay Pride de Moscou

Courageux et obstiné, Nikolaï Alekseev, 28 ans à peine, est le principal organisateur de la Gay Pride de Moscou.

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Nikolaï Alekseev, organisateur de la Gay Pride de Moscou

Mis en ligne le 03/05/2006

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Par Jean-François Laforgerie

Expansif dans les médias sur son combat, Nikolaï Alekseev est moins disert sur sa vie personnelle. Pudique sans doute, soucieux surtout de ne pas trop personnaliser à lui seul le mouvement LGBT russe. On saura juste que ses parents sont retraités, qu’ils se sont montrés "très compréhensifs" et ont accepté ses "différences" (le mot est de lui). "Ils s’entendent très bien avec mon partenaire qui est d’ailleurs français." On saura juste que sa famille a toujours eu une vie modeste, "comme des millions de Russes". "En 1989, nous nous levions à 4 h du matin pour faire la queue devant les magasins pour un peu de lait ou de viande" se rappelle-t-il, sans aucune nostalgie pour l’ancienne URSS. C’est évidemment dû à son âge — il n’a que 28 ans — mais surtout à la vision qu’il souhaite et défend d’une Russie nouvelle, ouverte sur l’occident, tolérante et gay friendly.

Le déclic de l’engagement, il le doit surtout à la fac… plus précisément à l’homophobie d’une bonne part du corps enseignant. En cursus à l’Université d’Etat de Moscou — la plus prestigieuse de Russie —, il choisit comme sujet de mémoire de doctorat "La discrimination sur la base de l’orientation sexuelle dans le cadre du droit". Refus du comité scientifique. Il rue dans les brancards. La fac le renvoie. Il aurait pu en rester là. Mais non, son expulsion deviendra son combat, sa colère une force militante, son cas personnel une cause générale. Il attaque la fac en justice. "J’irai jusqu’à la cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg" rappelle-t-il avec force.

En attendant une issue positive, il publie ses travaux dans deux livres, crée en 2005 GayRussia.ru (1), un excellent site d’infos LGBT, devient le correspondant russe du comité IDAHO (1) et lance, avec d’autres, le projet d’une première Gay Pride à Moscou. "J’étais fatigué de voir que la communauté gay russe n’offrait aucune perspective à part le développement de commerces profitables à une petite minorité au détriment des autres." Du coup, lui qui dénonce, offre une alternative — le militantisme — et défend une éthique : "J’ai toujours refusé de lier business et militantisme. Ce sont, pour moi, deux choses qui ne peuvent pas s’associer. Et tout cas… pas en Russie !"

Sa voie, ce sera de devenir un Peter Tatchell à la russe. Sa voix deviendra celle de la communauté LGBT russe. Très à l’aise dans les médias, il ne craint pas d’en découdre avec les homophobes à la radio ou à la télé — et en Russie, ce n’est pas le travail qui manque. Avec d’autres, Nikolaï Alekseev a bien compris qu’il ne fallait pas rater l’occasion, sans doute historique, de faire avancer le mouvement gay russe. Du coup, il ne pense pas vraiment aux risques, pourtant réels, qu’il prend à militer ainsi et laisse de côté vie personnelle et projets. "Je dois reconnaître que s’il y a quelque chose auquel je ne pense pas depuis un an, c’est bien mon avenir. A tort sûrement. Mon objectif est d’arriver à donner un élan positif afin de changer la vision que la société a de nous." Le jeune militant a réussi — en peu de temps — à incarner le renouveau du mouvement gay russe et même à y intéresser le reste du monde. C’est dire s’il est déterminé.

Lire notre dossier "Moscou : leçon de courage".

(1) qui organise la Journée mondiale contre l’Homophobie.

(2) www.gayRussia.ru, le site propose une version en anglais.

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