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La France poursuivie devant la Cour européenne des droits de l’homme

C’est mercredi 14 mars, devant la Cour européenne des droits de l’homme, qu'est examinée l’affaire opposant une jeune femme lesbienne à la France suite au refus d’agrément de celle-ci pour une adoption. Après l’affaire Philippe Fretté en 2002, c’est la deuxième fois que la France est ainsi mise en cause dans un refus d’agrément du seul fait de l’homosexualité du demandeur.

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Mis en ligne le 15/03/2007

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Peut-on aujourd’hui encore, en France, exclure de l’agrément pour une adoption une personne du fait de son orientation sexuelle ? C’est toute la question qui est débattue, mercredi 14 mars, devant la Cour européenne des droits de l’homme. "Cinq ans, après l’arrêt Fretté (voir encart), la Cour européenne est, à nouveau saisie de la question de la validité d’un refus d’agrément opposé à une citoyenne française [Mme E.], en raison de son homosexualité, explique maître Caroline Mécary, avocate de la jeune femme. Dans l’affaire Fretté, la Cour avait estimé que le refus d’agrément opposé à un homme homosexuel était bel et bien constitutif d’une discrimination, mais elle avait considéré, par quatre voix sur sept, que cette discrimination pouvait être justifiée."

"Depuis 2002, la situation a nettement changé, estime maître Mécary. Il existe, en effet, désormais pas moins de neuf pays européens (l’Allemagne, La Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Islande, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède) qui admettent l’adoption par des couples d’homosexuel/les. Ainsi pour ces neuf pays, membres du Conseil de l’Europe, un enfant peut parfaitement avoir deux parents de même sexe, sans que son intérêt soit compromis." Pour l’avocate : "La France aura, dans ces conditions, bien du mal à justifier le refus d’agrément opposer [à la jeune femme] en invoquant l’intérêt de l’enfant, car il ne saurait y avoir deux poids deux mesures. La cour pourrait donc condamner la France en raison du traitement discriminatoire exercé vis-à-vis des homosexuel/les et opérer un revirement de sa jurisprudence, dont on sait qu’elle est évolutive et dynamique."

Car si, comme l’explique Maître Caroline Mécary, le contexte européen a considérablement changé, le dossier de Mme E. ne manque pas d’atouts. Il pointe ainsi des violations évidentes d’articles de la Convention européenne des droits de l’homme. "L’analyse du dossier montre que le refus d’agrément a été motivé par l’orientation sexuelle de la requérante [Mme E.] et que cette dernière a fait l’objet d’un traitement discriminatoire.", affirme l’avocate dans sa requête. Le dossier dévoile surtout l’arrière-plan idéologique des auteurs du refus d’agrément. On découvre ainsi que des membres de la commission d’agrément qui prononcent ce refus n’ont jamais rencontré Mme E.

"Comment l’adulte célibataire permet à l’enfant de s’identifier à une image paternelle et masculine dans le cas de [Mme E.] (…) J’émets un avis défavorable", écrit ainsi un cadre technique de l’aide sociale à l’enfance. L’avis aurait-il été le même dans le cas d’une femme hétéro ? Il est d’autant plus surprenant que la loi autorise l’adoption par un célibataire qui ne peut à lui seul être à la fois le référent masculin et féminin de l’enfant. Tout dérape avec l’avis du psychologue qui n’a pas rencontré Mme E. "Attitude particulière vis-à-vis des hommes dans le sens où il y a une refus de l’homme (…) A l’extrême comment en refusant l’image de l’homme peut-on ne pas refuser l’image de l’enfant (l’enfant en attente d’adoption à un père biologique dont il faudra préserver l’existence symbolique, Mme E en aura –telle les possibilités", écrit le psy. Et les exemples de ce type sont légion dans ce dossier. Maître Mécary attend que la Cour européenne dise que le "refus d’agrément est une ingérence dans la vie privée et familiale [de Mme E.]" et qu’il est "discriminatoire" et condamne la France.

Jean-François Laforgerie

>> Chronologie de l'affaire Mme E.

Février 1998 :

Enseignante, Mme E. en couple depuis 1990 avec une autre femme fait une demande d’agrément pour une adoption. Dans le cadre de la procédure d’agrément, Mme E ne cache pas son homosexualité ni le fait qu’elle partage la vie d’une autre femme.

Novembre 1998 :

Un refus d’agrément lui est notifié par les services du Conseil général du Jura. Il est motivé ainsi : "Votre projet d’adoption révèle l’absence d’image ou de référent paternels susceptibles de favoriser le développement harmonieux d’un enfant adopté (…) Par ailleurs la place qu’occuperait votre amie dans la vie de l’enfant n’est pas suffisamment claire…"

Janvier 1999 :

Mme E. forme un recours gracieux.

Mars 1999 :

Confirmation du refus d’agrément.

Mai 1999 :

Saisine du tribunal administratif d’un recours en annulation concernant les deux décisions de refus d’agrément du Conseil général du Jura

Février 2000 :

Le tribunal administratif donne raison à Mme E. et annule les deux décisions de refus d’agrément.

Décembre 2000 :

Le Conseil général du Jura interjette appel. La cour d’appel de Nancy casse la décision du tribunal administratif. Mme E forme un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

Juin 2002 :

Le Conseil d’Etat rejet le pourvoi contre le jugement de la cour d’appel de Nancy. Mme E décide alors de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

>> L’affaire Fretté

Enseignant, homosexuel, célibataire, Philippe Fretté fait une demande d’agrément en vue d’une adoption. L’agrément lui est refusé en mai 1993. Un avis qui est confirmé en octobre 1993. Le tribunal administratif annule cette décision, mais le Conseil d’Etat (18 février 1994) valide le refus d’agrément. Au final, Philippe Fretté saisit la Cour européenne des droits de l’homme. Il estime que la Conseil d’état a violé l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (…) en opérant une distinction de traitement dont le "facteur déterminant est son orientation sexuelle". Bref, on l’exclue parce qu’il est gay, tout simplement. Dans son arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme écrit : "Même s’il fallait considérer que le refus d’agrément reposait exclusivement ou principalement sur l’orientation sexuelle du requérant, il n’y aurait aucune discrimination à son égard, dans la mesure où le seul élément pris en compte est l’intérêt de l’enfant à adopter. La décision prise [le refus d’agrément confirmé par le Conseil d’Etat] trouve sa justification dans l’intérêt supérieur de l’enfant qui sous-tend toute la législation applicable en matière d’adoption". "La justification avancée [par la France] paraît objective et raisonnable et la différence de traitement litigieuse n’est pas discriminatoire…". Philippe Fretté n’obtient pas gain de cause.

Mis en ligne le 13/03/07

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