Je crois que Paris joue un rôle actif en matière LGBT - Bertrand Delanoë

Bertrand Delanoë

Je crois que Paris joue un rôle actif en matière LGBT

Dans le bilan qu'il dresse pour E-llico de son action envers la population LGBT, Bertrand Delanoê n'oublie pas de rappeler le chemin parcouru depuis l'ère Chirac/Tibéri. "Je crois que Paris joue un rôle actif en la matière", affirme-t-il, citant les réalisations auxquelles son mandat a permis de voir le jour. Le maire évoque également de nouveaux chantiers (prévention de l'homophobie, relance du centre d'archives), une manière de signifier sa volonté de poursuivre sa tâche.

E-llico.com / Actus

Je crois que Paris joue un rôle actif en matière LGBT
Bertrand Delanoë

Mis en ligne le 11/03/2008

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Vous avez inauguré, il y a quelques jours, les nouveaux locaux du Centre LGBT de Paris. Il a pu voir le jour grâce au soutien de la municipalité que vous dirigez. Mais estimez-vous qu'une ville comme Paris offre assez de structures à même de répondre aux besoins d'accueil, d'orientation, d'information et d'assistance aux personnes LGBT, sachant que la capitale concentre une très forte population homosexuelle?

Bertrand Delanoë : D’abord, c’est une bonne nouvelle que de voir enfin le Centre LGBT au coeur de Paris, installé dans des locaux plus vastes et plus pratiques. J’ai d’ailleurs appris récemment qu’il n’y a pas de structure comparable à Londres. Ce grand Centre symbolise aussi notre volonté d’agir concrètement contre toutes les discriminations et pour le respect et l’égalité des droits. Avant 2001, je rappelle que la droite refusait par principe toute subvention aux associations LGBT. Nous avons mis un terme à cette logique discriminatoire. Paris accueille aujourd’hui la majorité des structures et commerces LGBT de France, et elles y jouent un rôle utile à notre vie collective, tournées y compris vers des activités diverses comme la culture, le sport et les loisirs. Entre le grand Centre LGBT, les diverses lignes d’écoute, le MAG-jeunes, le SNEG, l’APGL, Contacts pour les parents d’homos, le PASTT et l’ASB pour les trans, l’Ardhis ou encore les sites web comme le vôtre je crois que Paris joue un rôle actif en la matière.

Tout au long de votre mandat –et encore pendant cette campagne municipale – vous avez été attaqué sur la question des subventions aux associations LGBT, estimez-vous qu'il s'agit là d'une hostilité au principe même des subventions à des structures gay ou d'une marque d'homophobie à votre égard?

Il ne m’a pas échappé que plusieurs ouvrages, parus pendant cette mandature, ont stigmatisé des aides présentées comme spectaculaires au monde associatif gay et lesbien. Ce n’est pas neutre, d’autant que les chiffres avancés sont généralement absurdes. Que ma concurrente UMP se soit elle aussi livrée à cette " démonstration " contestable dans le livre qu’elle a sorti en 2006 est tout aussi évident, même si elle peine aujourd’hui à l’assumer… Mais l’essentiel, à mes yeux, c’est l’attitude des Parisiens : dans leur écrasante majorité, ils ne jugent que l’acteur politique, son équipe, et la réalité du travail accompli. Il y a quelques années, j’avais revendiqué un " droit à l’indifférence " : c’est précisément ce qui s’est vérifié pendant cette mandature, et cela me semble très important. A côté de cela, d’ailleurs, que pèsent les petits préjugés de tel ou tel ?...

En matière de lutte contre l'homophobie, votre projet pour la nouvelle mandature prévoit "des actions préventives dans les lycées et collèges dédiées aux adolescents homosexuels", de quoi s'agira-t-il exactement ?

Il s’agira de lutter concrètement contre le nombre très élevé de tentatives de suicides de jeunes LGBT, avec le soutien des professeurs et des équipes pédagogiques. Agir contre les insultes " ordinaires ", les préjugés et clichés, le mal-être, l’isolement, le rejet et la discrimination. J’espère d’ailleurs que l’Etat, via le rectorat, s’engagera également afin que chaque cas puisse être effectivement identifié et pris en compte. Cela implique en effet une démarche fine, réalisée de manière attentive et respectueuse ainsi que des actions pérennes, s’appuyant par exemple sur l’expérience d’associations comme SOS Homophobie.

En matière de lutte contre le sida, êtes-vous satisfait de votre bilan aussi bien en terme de prévention que pour venir en aide aux personnes malades qui rencontrent des problèmes de logement ou pour se faire assister dans leur quotidien?

En 2001, Paris était depuis 20 ans la ville la plus touchée d’Europe. Pour autant, la mobilisation de la capitale n’était absolument pas à la mesure de l’enjeu. En la matière, le bilan des équipes précédentes a d’ailleurs été légitimement dénoncé par les associations de lutte contre le sida et de défense des malades. Aujourd’hui, on meurt heureusement beaucoup moins du sida dans les " pays riches " grâce aux multithérapies. Mais la vigilance et l’action s’imposent plus que jamais, notamment face au relâchement de certains comportements et à des rapports sexuels non protégés. C’est pourquoi au cours de cette mandature, nous avons triplé les moyens dédiés à l’information, à la prévention (500.000 préservatifs gratuits distribués par an) ainsi qu’aux subventions. Nous avons également initié une politique volontariste directe vers des pays très touchés, notamment en Afrique, en y consacrant quelques 2,5 millions d’euros par an. Face à un tel défi, nul ne peut se dire " satisfait ". J’observe néanmoins que la grande majorité des associations soulignent que nos efforts ont été importants, et souvent novateurs.

Par exemple, sur le logement de séropositifs et malades précaires parisiens, nous travaillons en réelle synergie avec la PILS, depuis le printemps 2001 : ainsi, il y a eu 83 attributions pour l’année 2007. Je mesure cependant l’ampleur de la tâche et j’ai dit récemment aux représentants d’Act Up notre volonté de résorber dans les meilleurs délais la liste de 250 demandeurs encore en attente, ce qui impliquerait d’ailleurs de l’Etat une détermination équivalente. En tout cas soyez certain que la lutte contre le sida et les IST est, et demeurera si je suis réélu, une priorité en matière de santé publique à Paris. Je m’étonne d’ailleurs que le sujet ne soit même pas évoqué dans le projet qu’a présenté ma concurrente de l’UMP.

En termes de visibilité homosexuelle, Paris apparaît frileuse par rapport à d'autres grandes villes européennes; qu'il s'agisse d'initiatives à même de créer un rayonnement intellectuel comme le Centre d'archives LGBT ou de rendez-vous festifs comme il en existe à Berlin par exemple, qui drainent une forte population de province ou de l'étranger vers la ville et concourt à la fois à son dynamisme et à son image de tolérance. Pourquoi rien de tel ici?

Je ne pense pas que Paris soit " frileuse " en la matière. Vous savez, je voyage beaucoup, et ce n’est, en tout cas, pas du tout ce que me renvoient mes collègues à l’étranger. Chaque ville a son histoire, ses atouts et ses contraintes. Mais je constate que des représentants de villes comme Amsterdam, Londres ou Madrid se plaignent désormais de perdre des touristes gays et lesbiennes au profit de Paris. En fait, avant 2001, personne ne se préoccupait véritablement de cibler aussi les LGBT dans le tourisme mondial, alors que bien des métropoles le font depuis longtemps : avec l’Office de Tourisme parisien et la Maison de France, c’est maintenant le cas.

Je vous rappelle également que Paris a été la première ville en France à proposer des cérémonies de célébrations de PaCS en mairies, même si les mairies d’arrondissement dirigées par l’UMP s’y refusent encore.

J’ajoute que la Ville de Paris, employeur de 46.000 agents, a veillé à réaliser l’égalité des droits parmi ses personnels quelle que soit leur identité de couple, ce qui constitue là encore un signal fort.

Comment ne pas mentionner aussi les compétions sportives internationales, les festivals de cinéma et les salons LGBT, qui s’inscrivent dans notre dynamique collective ?

Je veux également souligner la vitalité des commerces, bars ou boîtes de nuit, ainsi que la dimension prise par la Marche des Fiertés, qui est l’une des plus importantes d’Europe et qui rassemble d’ailleurs largement, par delà l’identité des personnes.

Enfin, puisque vous évoquez le centre d’archives, je rappelle que personne ne souhaitait voir la Ville s’imposer dans la gestion quotidienne d’une association. Ce projet, que nous avons toujours soutenu, a connu des retards, c’est vrai, mais il a enfin redémarré sous la houlette du chercheur Louis-Georges Tin, créateur du 1er " Dictionnaire de l’Homophobie " et fondateur de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie. Je ne doute pas qu’il va aboutir, avec le concours actif de la Ville et de la Région et, je l’espère, celui de l’Etat, plutôt silencieux sur le sujet depuis 2006.

Propos recueillis le 6 mars 2008.

Mis en ligne le 07/03/2008

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