une prise de position du Directeur adjoint du Comité national contre le tabagisme - Vidéo bareback

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Une prise de position du Directeur adjoint du Comité national contre le tabagisme

Suite à notre dossier "Vidéo bareback : le débat patine", nous avons reçu un courrier de Nicolas Villain, Directeur adjoint du Comité national contre le tabagisme. Nous le publions afin d’alimenter le débat en cours.

E-llico.com / Actus

une prise de position du Directeur adjoint du Comité national contre le tabagisme
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Mis en ligne le 13/01/2006

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"Dans la discussion que vous menez actuellement à propos du bareback business (Illico, 30 décembre 2005) les arguments qui légitimeraient, ou en tous cas, justifieraient ce débat, seraient, selon vous, une information estimée satisfaisante sur les risques, en ce qui concerne les acteurs, et, en ce qui concerne les acheteurs, le rôle d’exutoire que pourraient avoir ces films.

Au premier argument, vrai ou faux sur le fond, s’oppose le principe général de la suppression à la source des risques professionnels évitables. C’est la Convention du Bureau international du travail de 1974, ratifiée par la France en 1994, ainsi que la directive européenne 89/391/EEC, transcrite en droit français par décret en 2002. Il incombe une obligation de résultat à l’employeur. A l’évidence, la pratique de rapports sexuels à risque dans un cadre professionnel n’y satisfait pas. Il paraît donc d’une efficacité relative de renvoyer dans ce contexte à la responsabilité individuelle, plus encore à une origine de pays occidentaux des "deux tiers de la production".

La prévention générale des risques professionnels offre un éclairage. Un employé a le droit de travailler dans un cadre non amianté, non pollué par la fumée du tabac,... Le fait que l’on présume qu’il sache, par exemple, que le tabagisme passif présente un risque accru de cancer du poumon et d’infarctus ne se substitue pas à la responsabilité de son employeur. En juin 2005, la Cour de cassation a donné raison à un employé qui subissait le tabagisme passif sur son lieu de travail. La justice a rappelé l’obligation, non pas de moyen, mais de résultat de l’employeur, et l’a condamné.

La présomption, justifiée ou non, du comportement de la personne dans sa vie privée (sexualité protégée ou non, fumeur ou non, domicile privé amianté ou non,…) ne décharge pas l’employeur de sa responsabilité dans le cadre professionnel.

Certains déploreront la disparition d’une certaine responsabilité individuelle. Peut-être. Toutefois, l’on pourra regretter, a contrario, une certaine diminution de la responsabilité économique. Face au rapport de force sans doute inégal entre employés et employeurs, la règle qui protège le premier prend tout son sens. Un acteur n’est potentiellement pas en position de force face aux demandes d’un réalisateur ; un employé n’est potentiellement pas en position de force face à un employeur dont les locaux sont pollués par la fumée du tabac …

Au second argument, celui de l’"exutoire", s’opposent les modèles de santé publique. Par exemple, la valorisation de la vitesse est interdite dans la publicité pour les voitures. Le motif en est le souci de ne pas valoriser les conduites à risques sur la route. C’est le principe de l’exemplarité. En matière de lutte contre le tabagisme, le monde californien de la santé publique (S. Glanz) a montré que des adolescents qui vont fréquemment au cinéma entrent 2,4 fois davantage dans le tabagisme que ceux qui n’y vont pas ou peu. Parallèlement, la fréquence anormalement élevée du tabagisme et de marques de l’industrie cigarettière dans les films a été démontrée. L’on pourrait multiplier les exemples sur la notion de l’exemplarité. D’une manière générale, le principe de la publicité offre un éclairage : valorisation, banalisation, normalisation. Ainsi les stars fumant avec délectation dans les films ont-elles plus de poids que tous les " Fumer tue " du monde.

L’argument de l’ "exutoire" est donc peu convainquant. En revanche, il alimente la controverse – A qui profite-t-elle ? -, ou bien peut-être sert-il d’exutoire aux personnes qui fabriquent ou vendent ces films… ? Ni la tendance à la " relâche ", ni les chiffres des contaminations par le VIH, ne semblent en tous cas leur donner raison.

Dans ces conditions, promouvoir la recherche d’un "compromis" sur le bareback business paraît suspect. Présenter le problème sous l’angle du débat confère une respectabilité équivalente au pour et au contre. Cela présente certes un intérêt du point de vue économique, mais pas de celui de la santé publique. Ainsi, toute approche intermédiaire qui tendrait à une autre finalité qu’à la suppression de la production et de la diffusion de ces documents vidéo peut-elle effectivement être qualifiée de "tartufferie".

Reconnaissons deux gages de crédibilité à Act Up : d’une part, l’ONG ne défend pas d’intérêt économique, mais uniquement un intérêt de santé publique ; d’autre part, alors que l’organisation est, et se dit, organisation de personnes séropositives, elle s’engage, notamment sur cette question, dans la protection de la santé de tous. A ces deux égards, elle mérite le respect. "

Nicolas Villain*
(*directeur adjoint du Comité national contre le tabagisme (CNCT))

Lire notre dossier "Vidéo bareback : le débat patine".

Mis en ligne le 12/01/06

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