«Ce jugement confirme que la loi sanctionnant les propos homophobes est conforme à la liberté d'expression» - Me Caroline Mécary

Me Caroline Mécary

«Ce jugement confirme que la loi sanctionnant les propos homophobes est conforme à la liberté d'expression»

Avocate de SOS Homophobie dans l’affaire Vanneste, maître Caroline Mécary a coordonné, avec ses deux collègues maîtres Jean-Bernard Geoffroy et Alia Aoun, la défense des trois associations parties civiles. Elle explique, pour "Illico", les conséquences de l’arrêt de la cour d’appel de Douai.

E-llico.com / Actus

«Ce jugement confirme que la loi sanctionnant les propos homophobes est conforme à la liberté d'expression»
Me Caroline Mécary

Mis en ligne le 30/01/2007

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- Selon vous, quel est le fait majeur de l’arrêt de la cour d’appel de Douai ?

Il y a trois éléments qui sont importants. Le premier résulte de ce que les magistrats de la Cour d’appel disent très clairement que la disposition de la loi sur la presse, qui permet de sanctionner Monsieur Christian Vanneste pour injure à raison de l’orientation sexuelle est parfaitement conforme à la liberté d’expression, droit garanti par l’article 10 de la convention européenne des Droits de l’Homme, en d’autres termes la loi française respecte la proportionnalité nécessaire pour limiter la liberté d’expression lorsqu’on est en présence de propos qui portent atteinte à la dignité d’une catégorie de citoyens à raison de l’orientation sexuelle.

Le deuxième point important est, me semble t-il, le fait que l’arrêt énonce de façon claire que les propos de Monsieur Vanneste sont parfaitement injurieux notamment lorsqu’il indique que l’homosexualité est inférieure moralement à l’hétérosexualité. Les magistrats disent très clairement que de tels propos sont injurieux car contraires à la dignité des personnes. Les magistrats vont même jusqu’à préciser qu’ils sont de nature à inciter à la haine, à la violence ou à la discrimination.

Le troisième point est d’ordre plus symbolique : par cette décision, la justice rappelle à tout un chacun qu’il n’est pas possible de dire n’importe quoi, n’importe comment dans un état de droit qui assure un équilibre juste entre la liberté d’expression et la dignité des personnes. L’arrêt n’est au fond qu’une déclinaison du principe révolutionnaire selon lequel : la liberté de chacun s’arrêt là ou commence celle d’autrui.

- La confirmation des peines prononcées en première instance signe le rejet de la stratégie de défense choisie par Christian Vanneste : prétendre que la loi du 30 décembre 2004 était non conforme à l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme. Pensez-vous que la défense avait d’autres solutions ou qu’elle a fait une erreur en tablant sur cet argument ?

Il est exact que la voie de défense choisie par Monsieur Vanneste était étroite, dans la mesure où le caractère injurieux de ses propos pouvait clairement être établi, de sorte que la seule porte de sortie envisageable pour ce dernier a consisté à tenter de mettre en cause la loi française en prétendant qu’elle violerait l’article 10 de la convention européenne des Droits de l’Homme. Cela étant un tel argument n’avait aucune chance d’être retenu, dans la mesure où la Cour européenne des Droits de l’Homme a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la compatibilité de la loi sur la presse avec la liberté d’expression de sorte que soulever une telle exception relève davantage à mon sens du "chant du cygne" que d’une véritable croyance en la stratégie de défense qui a été adoptée.

- Qu’est-ce qui est le plus important avec cette décision : que la loi définisse les limites de ce qu’est la liberté d’expression ou qu’elle
affirme que l’homosexualité n’est pas un comportement dissociable de la personne humaine mais une part de son identité ?


Ce qui est important dans cette décision résulte de ce que pour la première fois une juridiction d’appel fait application de la loi du 30 décembre 2004 qui autorise la répression des propos injurieux à raison de l’orientation sexuelle ; qu’elle le fait dans un contexte de très grande polémique — on a vu comment Monsieur Vanneste a utiliser les médias à tout va — et que pour autant les magistrats ont eu l’intelligence de ne pas se laisser entraîner dans une polémique stérile et de dire clairement qu’on ne peut impunément injurier une catégorie de citoyens à raison de son orientation sexuelle comme on ne peut le faire à raison de la race ou de la religion. En outre, la position rhétorique de Monsieur Vanneste qui consistait à dire "je critique les comportements non les personnes" a clairement été condamnée puisque, comme la Cour l’a relevé, une telle position est en réalité totalement tendancieuse dans la mesure où, bien évidemment, au travers du comportement, c’est la personne qui est visée.

- Christian Vanneste compte se pourvoir en cassation. Etes-vous confiante pour la suite ?

J’ai d’ores et déjà contacté l’avocat au Conseil d’Etat à la Cour de cassation avec laquelle je travaille et je suis parfaitement confiante quant à l’issue du pourvoi qui sera formé par Monsieur Vanneste dans la mesure où la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer concernant la loi relative à la répression des injures et diffamations à raison de la race, qui est similaire à celle qui est appliquée dans notre espèce, et qu’à cette occasion la Cour de cassation a dit très clairement que la loi sur la presse était parfaitement conforme avec la liberté d’expression, garantie par l’article 10 de la convention européenne des Droits de l’Homme.

- Dans l’hypothèse où Christian Vanneste saisisse la Cour Européenne des Droits de l’Homme, pensez-vous, au vu de ce qu’est la législation européenne en vigueur et de la jurisprudence de cette Cour, qu’il puisse, au final, obtenir gain de cause?

Il ne fait pas de doute que si Monsieur Christian Vanneste n’obtient pas gain de cause devant la Cour de cassation — ce qui a tout lieu de se produire — il saisira la Cour européenne des Droits de l’Homme. Là aussi, je suis très confiante car en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour européenne il n’a quasiment aucune chance de voir la Cour dire que la loi du 30 décembre 2004 serait non conforme à l’article 10 de la convention européenne. En effet, la liberté d’expression n’est pas absolue, elle peut être limitée par une loi nationale ayant pour objet notamment de protéger les droits d’autrui, ce qui est exactement notre cas de figure : la loi protège le droit de tout citoyen de ne pas être injurié ou diffamé à raison de son homosexualité, tout comme le protège des injures et diffamation à raison du sexe, du handicap, de la race ou de la religion.

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie

Mis en ligne le 26/01/07

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