La question du mariage homosexuel devant la Cour de cassation  -

La question du mariage homosexuel devant la Cour de cassation

La Cour de cassation se penche sur la question du mariage homosexuel avec l'examen du pourvoi formé par les deux premiers "mariés" français de même sexe dont l'union célébrée en 2004 par le maire de Bègles, Noël Mamère, a été annulée par la justice.

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La question du mariage homosexuel devant la Cour de cassation

Mis en ligne le 13/03/2007

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L'avocat général près la cour de Cassation, Marc Domingo, a demandé vendredi le rejet du pourvoi en cassation des deux "mariés" homosexuels déposé contre l'annulation de leur union célébrée à Bègles en 2004.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation, présidée par Jean-Pierre Ancel, examinait le pourvoi déposé par Stéphane Chapin, 36 ans, et Bertrand Charpentier, 33 ans, dont le mariage avait été célébré le 5 juin 2004 par le député-maire de Bègles, Noël Mamère. La haute juridiction rendra sa décision le 13 mars.

Dans ses conclusions, l'avocat général, Marc Domingo, a estimé qu'une "désexualisation jurisprudentielle du mariage dévasterait l'économie de la filiation et rendrait incohérentes les normes qui l'encadrent actuellement sans les remplacer par d'autres règles dont il faudrait attendre des pouvoirs publics qu'ils les édictent".
Il a donc demandé que la décision rendue par la cour d'appel de Bordeaux soit confirmée.
Le représentant du ministère public a par ailleurs considéré qu'il revenait au législateur plutôt qu'au juge de se prononcer sur cette question de société. "Compte tenu des enjeux de société importants qui relèvent de cette question et de la dimension politique évidente que revêt toute tentative d'y apporter des réponses adaptées, abandonner à la seule autorité judiciaire le soin de se prononcer, me paraît exiger du juge qu'il accomplisse une tâche excédant les limites permises de son action", a déclaré M. Domingo.






>> Un mariage qui n'est que justice

On connaîtra dans quelques jours la décision de la cour de cassation sur l’annulation en avril 2005 du mariage de Bègles. Un avis qui constituera l’interprétation officielle du code civil concernant le mariage (en l’état actuel du droit) et les personnes qui peuvent en bénéficier. Car le premier mariage, en juin 2004, entre personnes du même sexe en France a constitué une première historique en proposant une interprétation, nouvelle et plausible, du code civil. Pour les Verts, Noël Mamère en tête, et les avocats de Bertrand Charpentier et Stéphane Chapin, ce type d’union est possible parce qu’aucun article du code civil n’interdit formellement le mariage de deux personnes du même sexe, qu’aucun texte ne définit le mariage "comme l’union d’un homme et d’une femme" et que l’obligation de "différence de sexe" ne figure pas parmi les causes de nullité du mariage prévues par la loi.

Pour les défenseurs du mariage gay, il y a certes une jurisprudence qui tend à interdire de telles unions mais elle remonte au XIXème siècle et rien n’interdit aux juridictions actuelles, plus d’un siècle plus tard, d’avoir une autre lecture des articles du code civil. Après tout, il n’est pas extravagant de vouloir vivre avec son temps.

Les tribunaux n’ont pas eu ce déclic. C’est sur le respect strict de cette jurisprudence que le tribunal de grande instance de Bordeaux a fondé son jugement. Il appuie notamment ses conclusions sur le fait que "la fonction traditionnelle du mariage est communément considérée comme constituant la fondation de la famille". Pour les défenseurs des mariés de Bègles, il est clair que la procréation (l’aptitude a fondé une famille, donc à se marier uniquement entre homme et femme) n’est pas une "condition de validité du mariage". On ne peut donc pas opposer le fait que le mariage, ce serait pour fonder une famille, pour prétendre en exclure durablement les homosexuels. D’ailleurs, il est intéressant de noter que le jugement de la cour d’appel de Bordeaux reconnaît que les appelants (le couple de Bègles et ses avocats, Caroline Mécary, Yann Pedler, Emmanuel Pierrat, Monique Guédon) ont développé "une argumentation juridique vaste et de grande qualité". Une façon de dire que la lecture qu’ils font du code civil tient largement la route.

Pour autant, la cour d’appel a abouti à la conclusion "qu’en droit interne français, le mariage est une institution visant à l’union de deux personnes de sexe différant, leur permettant de fonder une famille appelée légitime (…) Cette différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l’existence du mariage". Retoqués aussi les arguments sur la législation européenne. La cour d’appel a jugé ainsi qu’il est "indifférent que d’autres pays européens aient pu choisir une autre voie" en légalisant les unions de même sexe. Pourtant, c’est bien de l’Europe que les défenseurs des mariés de Bègles attendent le salut. En fait, il est plus que probable que la cour de cassation valide l’annulation du premier mariage homo français. La cour européenne fera du droit comparé et verra des exemples où les unions sont possibles (Pays-Bas, Belgique, Espagne…) "La cour européenne a pour habitude de s’aligner sur ce qui est le plus favorable à l’égalité des droits et nous devrions donc obtenir gain de cause" expliquait déjà Noël Mamère en juillet 2004.

Jean-François Laforgerie

>> Trop tard ?

Une chance sur deux de n’avoir qu’un intérêt historique. C’est ce qui risque d’arriver à l’avis de la cour de cassation en cas de victoire de la gauche à la présidentielle. En effet, le PS s’étant engagé à voter l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, on peut espérer que la loi sera votée avant le jugement de la cour de cassation.
Il en va tout autrement en cas de victoire de l’UMP qui trouvera sans doute dans cet avis (qu’il ne faut pas s’attendre à être progressiste) un soutien à la vision traditionnelle du mariage qu’il promeut. Une lecture conservatrice du code civil concernant le mariage sera alors pain béni pour une droite qui n’entend pas bouleverser cette "institution" pour justifier son immobilisme.

>> Rien sans les Verts

Force d’appoint dans les gouvernements de gauche, les Verts n’ont jamais été en situation de faire adopter leur projet, pourtant ancien, d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe. C’est de là qu’est venue cette idée, audacieuse mais avant tout citoyenne, de célébrer le premier mariage entre personnes de même sexe. Une façon, en flirtant avec la désobéissance civile, d’ouvrir un débat, d’interpeller la justice et de contraindre la classe politique à se positionner. Le pari, difficile, a été largement tenu en dépit de la sanction prise contre Noël Mamère, des aléas juridiques. La preuve ? L’ouverture du mariage aux couples de même sexe est une promesse de campagne des partis de gauche.

>> Chronologie

5 juin 2004 : Le député-maire (Verts) Noël Mamère célèbre le mariage Bertrand Charpentier et Stéphane Chapin à Bègles.
Juin 2004 : Le garde des Sceaux, Dominique Perben, demande au parquet d’engager une procédure visant à annuler le mariage de Bègles.

Juillet 2004 : Suspension de Noël Mamère de ses fonctions de maire pour un mois.

27 juillet 2004 : L’annulation du mariage est prononcée par le tribunal de grande instance de Bordeaux.

19 avril 2005 : La cour d’appel de Bordeaux confirme l’annulation prononcée en première instance.

Juin 2006 : Le PS dépose deux propositions de loi dont l’une ouvre le mariage aux personnes de même sexe (1).

9 mars 2007 : La cour de cassation, saisie par les mariés de Bègles, examine l’affaire.

(1) L’autre proposition de loi concerne l’homoparentalité.

Mis en ligne le 09/03/07

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